Présentation du cycle par la Cinematek de Bruxelles
Pendant
une décennie les studios hollywoodiens produisent un nombre de films qui
portent une attention toute particulière au point de vue du personnage
principal féminin, avec lequel coïncide de manière assez frappante celui
du spectateur. Nous nous trouvons dans l’univers de la Romance Gothique
des années 1940 et parmi les réalisateurs il y a entre autres
Hitchcock, Manckiewicz, Preminger et Minnelli.
Dans le sillage du roman gothique, avec des romans aussi divers que
Frankenstein, que Jane Eyre et que les Hauts de Hurle-Vent, les
ingrédients caractéristiques de la Romance Gothique sont surtout: une
tension constante et des sous-entendus d’angoisse et de sexualité, dans
la relation entre une jeune femme et un homme plus âgé. Les ennuis
commencent quand, par des événements étranges, la femme en vient à
douter des qualités de son partenaire, parfois son tout nouveau mari.
L’aime-t-il véritablement? Est-il vraiment tel qu’il le laisse paraître?
Peut-être a-t-il un crime sur la conscience! Le doute de notre héroïne
et l’ambiguïté du récit, car nous n’en savons guère qu’un peu plus
qu’elle, ont ici une fonction particulière, idéologique même.
Chacun
de ces films demande en effet au spectateur de sympathiser avec une
interprétation féminine qui est d’une manière ou d’une autre constamment
remise en question par le protagoniste masculin (lire:patriarcal). Ses
remarques sont systématiquement ignorées ou discréditées, elle est
diminuée, trompée, même droguée ou hypnotisée. Et, comme si tout cela
n’en était pas encore assez, son champ d’action est souvent limité à la
maison ou à l’entourage immédiat du foyer, qui est dans ces films loin
d’être doux et chaleureux mais plutôt angoissant et aliénant. Le film
Hantise (Gaslight) est l’interprétation de la pièce qui a donné son nom à
une forme d’abus psychologique, gaslighting, manipulation où la victime
reçoit délibérément des informations erronée dans le but de douter de
soi-même, de ses souvenirs et de ses capacités de jugement. Car c’est
bien ce combat qui s’illustre dans chacun de ces films, celui qui est
mené pour être pris au sérieux dans l’affirmation de son expérience
personnelle et de ses propres convictions. Celui-ci est le combat de la
défiance féminine face à la domination masculine. La plupart de ces
films - pas tous- tirent la conclusion logique où l’expérience féminine
est confirmée. Les soupçons de la jeune héroïne à propos de l’oncle
Charlie dans L’Ombre d’un doute se révèlent être corrects, et Katharine
Hepburn doute avec raison des intentions de son époux-inventeur dans
Lame de fond. Pour qu’au final tout rentre dans l’ordre, il y a besoin
d’un apport extérieur, de quelqu’un qui confirme l’interprétation de la
protagoniste, et il n’est pas rare qu’il prenne la forme d’un jeune
homme, de meilleure volonté et moins autoritaire que monsieur le mari.
Ceci atténue un peu le caractère subversif du propos, mais fait miroiter
par ailleurs la possibilité d’existence d’une relation qui ne soit pas
basée sur la colère et la défiance au regard du pouvoir et de la
domination.
Listes des films :
Le Mystérieux Docteur Korvo (Whirlpool, 1949) d'Otto Preminger
L'Homme aux lunettes d'écaille (Sleep, My Love, 1948) de Douglas Sirk
Le Secret derrière la porte (Secret Beyond the Door, 1948) de Fritz Lang
The Lost Moment (1947) de Martin Gabel
Lame de fond (Undercurrent, 1946) de Vincente Minnelli
Le Château du dragon ( Dragonwyck, 1946) de Joseph L. Mankiewicz
Hantise (Gaslight, 1944) de George Cukor
Angoisse (Experiment Perilous, 1944) de Jacques Tourneur
L'Ombre d'un doute (Shadow of a doubt, 1943) d'Alfred Hitchcock *
Suspicion (1941) d'Alfred Hitchcock
Rebecca (1940) d'Alfred Hitchcock
Gaslight (1940) de Thorold Dickinson *
* (à voir)
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