samedi 31 octobre 2015

Bilan du mois d'octobre 2015

Films


* * * *
Youth (2015) de Paolo Sorrentino
The Lobster (2015) de Yorgos Lanthimos
Gabrielle (2013) de Louise Archambault
Les femmes du bus 678 (2011) de Mohamed Diab
Élémentaire mon cher Lock Holmes (Without a Clue, 1988) de Thom Eberhardt
Une étrange affaire (1981) de Pierre Granier-Deferre
Le Train (1964) de John Frankenheimer
Le château de l'araignée (1957) d'Akira Kurosawa
Thé et sympathie (Tea and Sympathy, 1956) de Vincente Minnelli
Voyage en Italie (Viaggio in Italia, 1954) de Roberto Rossellini
Convoi de femmes (Westward the Women, 1951) de William A. Wellman 
Panique (1946) de Julien Duvivier
Henry V (1944) de Laurence Olivier
Pepe le Moko (1937) de Julien Duvivier


* * *
Maryland (2015) d'Alice Winocour
2 automnes 3 hivers (2013) de Sébastien Betbeder
Blood Ties (2013) de Guillaume Canet
Le fils de l'autre (2012) de Lorraine Levy
Les révoltés de l'Ile du Diable (Kongen av Bastøy, 2011) de Marius Holst
Gone Baby Gone (2007) de Ben Affleck
Anna M. (2007) de Michel Spinosa
Monsieur Hire (1989) de Patrice Leconte
L'Aîné des Ferchaux (1963) de Jean-Pierre Melville
Le Diable boiteux (1948) de Sacha Guitry
Je ne regrette rien de ma jeunesse (1946) d'Akira Kurosawa
Le récupérateur de cadavres (The Body Snatcher, 1945) de Robert Wise
La taverne de la Jamaïque (Jamaica Inn, 1939) d'Alfred Hitchcock


* * (*)
Testament of youth (2014) de James Kent
Tokyo Fiancée (2014) de Stefan Liberski
Mon âme par toi guérie (2013) de François Dupeyron
This Must Be the Place (2011) de Paolo Sorrentino
Un dimanche comme les autres (Sunday Bloody Sunday, 1971) de John Schlesinger 
Que la bête meure (1969) de Claude Chabrol



Romans/Essais


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L'été des noyés (A Summer of Drowning, 2011) de John Burnside 
Sept femmes (2014) de Lydie Salvayre 
La guerre d'Espagne (The Battle for Spain: The Spanish Civil War 1936-39, 2005) de Antony Beevor
La guerre des salamandres (Válka s Mloky, 1936) de Karel Čapek



* * *
L'Imposteur (El impostor, 2014) de Javier Cercas
Siegfried. Une idylle noire (Siegfried. Een zwarte idylle, 2000) de Harry Mulisch
Hôtel Iris (Hoteru Airisu, 1996) de Yôko Ogawa
Les inconnus dans la maison (1940) de Georges Simenon

* * 
Dictionnaire amoureux du cinéma (2009) de Jean Tulard


Voici venu le temps du récapitulatif du mois d'octobre, tous genres confondus. Une constatation s'impose : je n'ai jamais vu autant de films sur un petit écran depuis que j'ai accès au Pack Séries Cinéma de Canalsat ! Il faut dire que je suis cernée par de multiples tentations, au point où j'ai du mal à décoller de mon canapé pour me rendre au ciné.

Sans trop de surprise, on retrouvera tout en haut de mon classement des réalisateurs renommés tels que Akira Kurosawa (Le château de l'araignée), Vincente Minnelli (Thé et sympathie), Roberto Rossellini (Voyage en Italie), Laurence Olivier (Henry V), mais également William A. Wellman (Convoi de femmes) et John Frankenheimer (Le Train, un film dans le genre "efficace"). De petits bijoux, à voir ou à revoir.

Pour rester dans les anciens films, le réalisateur français Julien Duvivier m'a convaincue avec deux longs métrages, que sont  Pepe le Moko et Panique, ce dernier étant une adaptation très intéressante du roman Les fiançailles de M. Hire de Georges Simenon.  J'y reviendrai probablement plus en détails dans les semaines qui viennent (j'ai vu dans la foulée une autre adaptation du roman, Monsieur Hire par Patrice Leconte).

En ce qui concerne les films plus récents, je retiens principalement la réalisatrice canadienne Louise Archambault, pour toute l'émotion ressentie à la vision de son film Gabrielle.  J'ai beaucoup apprécié également Le fils de l'autre de Lorraine Levy (qui aborde la question de l'identité), Les femmes du bus 678 de Mohamed Diab (qui aborde le harcèlement sexuel des femmes en Égypte,   avec sans doute peu de moyens mais beaucoup d'idées - un premier film très prometteur) et Anna M. de Michel Spinosa (qui aborde l'érotomanie avec l'époustouflante Isabelle Carré, qui a réussi à me faire peur).

Peu de films vus au Cinéma mais quelques mots quand même : la magie du réalisateur Paolo Sorrentino, avec son dernier film Youth, a fonctionné une nouvelle fois sur moi.  Mais il a fallu m'attarder sur les fioritures pour comprendre le sens de la mélodie. Maryland d'Alice Winocour n'est sans doute pas un film incontournable pour le commun des mortels mais il le devient pour les fans de l'acteur Matthias Schoenaerts, dont je fais partie.  Et pas seulement pour ses beaux muscles (bien qu'ils le soient aussi).  Je me suis par contre ennuyée à la vision du film Testament of Youth de James Kent, que j'ai trouvé bien plat, bien lisse et bien trop convenu. Reste les images soignées et la joliesse de l'actrice Alicia Vikander. L'ovni du mois, c'est bien sûr The Lobster de Yorgos Lanthimos, un film souvent drôle, parfois cruel mais toujours féroce. Un film étrange qui nous échappe parfois,  mais très riche en interprétations diverses (ce que j'adore).

Un dernier point sur mes lectures.  L'été des noyés de John Burnside ne fera sans doute pas l'unanimité (genre très hybride) mais je l'ai adoré, comme son roman précédent. J'ai eu plus de mal avec le roman Hôtel Iris de Yôko Ogawa, qui traite du sadomasochisme.  Un sujet pour lequel j'ai peu d'affinité mais il faut reconnaitre le grand talent de l'auteur japonais pour aborder cette thématique. Grande découverte avec l'écrivain tchèque Karel Čapek (1890-1938) et son roman La guerre des salamandres, une satire qui dénonce le national-socialisme.  J'ai appris par la même occasion que Karel Čapek était l'un des pères fondateurs de la science-fiction moderne. Petite parenthèse en passant : saviez-vous que l'invention du mot robot n'appartient pas à Isaac Asimov mais apparait pour la première fois dans sa pièce de théâtre de science-fiction R. U. R.,  en 1920 ? Le sous-titre en anglais du titre tchèque Rossumovi univerzální roboti  a été inventé par son frère Josef,  et ce à partir du mot tchèque robota, qui signifie « travail » ou « servage ».  L'humour noir est au rendez-vous dans ce roman, comme souvent chez les auteurs de la MittelEuropa, que j'apprécie particulièrement. J'ai été relativement déçue par L'Imposteur de Javier Cercas, qui avait pourtant un sujet en or (l'histoire vraie d'un homme qui s'est inventé un passé, au point de devenir célèbre en Espagne, avant que son imposture ne soit démasquée il y a quelques années),  mais qui m'a  ennuyée au bout d'une centaine de pages. C'est ce que j'appelle du journalisme mais pas de la littérature. Et si Javier Cercas fait référence au récit De sang-froid de Truman Capote, on ne peut que constater la nette supériorité de son prédécesseur.  Pour rester en Espagne, je conseille la lecture La guerre d'Espagne de Antony Beevor, qui revient sur tous les enjeux nationaux et internationaux, ainsi que sur les moments clés de cette guerre civile.  Instructif, agréable à lire et peut-être indispensable pour ceux que le sujet intéresse. Et un petit Simenon pour terminer, Les inconnus dans la maison, un roman qui sera adapté au cinéma par deux fois en France : en 1942 par Henri Decoin et en 1992 par Georges Lautner.  Deux films à voir au mois de novembre, j'y reviendrai sans doute.

Voilà en quelques mots mon bilan du mois d'octobre. N'hésitez surtout pas à commenter ou poser des questions supplémentaires, je suis toute ouïe :-)


mardi 27 octobre 2015

L’actrice Maureen O’Hara

L'actrice d'origine irlandaise Maureen O’Hara s'est éteinte samedi 24 octobre à l'âge de 95 ans. Coïncidence des dates, je venais juste de la voir dans un des ses premiers films, tourné à l'âge de 19 ans, avec le célèbre acteur Charles Laughton : L'Auberge de la Jamaïque d'Alfred Hitchcock (1939).  Elle retrouvera la même année Charles Laughton, pour le film Quasimodo de William Dieterle, et dans lequel elle tiendra le rôle d'Esmeralda.  Je me souviens aussi de L'homme tranquille de John Ford (1952). Après plus de soixante ans de carrière, Maureen O’Hara s'était retirée dans l’Idaho.  Elle fut récompensée d’un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière en 2014. Elle se serait éteinte paisiblement dans son sommeil en écoutant la bande originale de son film préféré, L'homme tranquille. Vous n'êtes plus de ce monde mais,  par la magie du cinémavous resterez éternelle.

L'Auberge de la Jamaïque d'Alfred Hitchcock
Quasimodo de William Dieterle
L'homme tranquille de John Ford

lundi 26 octobre 2015

Voyage en Italie de Roberto Rossellini


Un couple britannique en crise, Alexander et Katherine Joyce, se rendent ensemble en Italie pour régler une affaire de succession. Leur relation se dégrade rapidement dès leur arrivée à Naples, et c’est seule que Katherine Joyce visitera la ville et ses environs. Leur séparation définitive semble inéluctable, jusqu’au jour où ils entament une ultime visite dans la ville de Pompéi…

En explorant l’échec conjugal et l’errance d’un couple sous le soleil des sites archéologiques et autres ruines du Sud de l’Italie, Roberto Rossellini signe un film psychologique intense qui valorise volontiers les cadres et les personnages réels. Il est étonnant de voir à quel point les souffrances, les tensions et les interrogations intimes du couple trouvent une résonance particulière dans les décors grandeur nature de la région de Naples et de ses environs, dans lesquels la mort, la décomposition et la solitude sont omniprésentes. Un film-phare du cinéma moderne qui influencera toute une génération de cinéastes. Plus modestement, un vrai coup de cœur en ce qui me concerne.

Voyage en Italie fait partie des cinq films que tourneront ensemble le couple Roberto Rossellini et Ingrid Bergman, entre 1949 et 1954.  A ce propos, l’année de la sortie du film sera également une année faste pour le 7e art, qui connaîtra quelques autres chefs-d’œuvre comme La Comtesse aux pieds nus par Joseph L. Mankiewicz, Les Sept Samouraïs par Akira Kurosawa, Sur les quais par Elia Kazan, Une étoile est né par George Cokor, La Strada par Federico Fellini, Brigadoon par Vincente Minnelli… liste non exhaustive. 


Titre original : Viaggio in Italia
Réalisateur : Roberto Rossellini
Acteurs : Ingrid Bergman George Sanders
Origine : Italie
Année de production : 1954
Durée : 1h24



dimanche 25 octobre 2015

Portrait de Sonja Knips par Gustav Klimt

Portrait de Sonja Knips par Gustav Klimt, 1898

Cette peinture, souvent considérée comme l’œuvre d’ouverture de la Sécession viennoise, marque un tournant dans les portraits de Gustav Klimt : le modèle est représenté grandeur nature et le format carré constitue une nouveauté. Ce qui frappe est le contraste entre les parties peintes avec une grande précision (le visage par exemple) et d’autres parties nettement plus suggérées. Sonja Knips, de son vrai nom Sophie Amalia Maria (1873-1959), est la fille d’un maréchal de camp de l’armée austro-hongroise. Mariée au riche industriel Anton Knips, Sonja deviendra une fervente admiratrice de l’art moderne et soutiendra les sécessionnistes via de multiplies commandes. Dont ce portrait, qui fait partie des œuvres majeures de Gustav Klimt. 


mercredi 21 octobre 2015

Le joueur d'échecs de Jean Dréville


Nous sommes dans la Russie du 18e siècle. La résistance polonaise gronde, et l'impératrice Catherine II (l’actrice Françoise Rosay) est bien décidée à étouffer ce que l’histoire appellera la rébellion de Vilna. Un jeune patriote polonais, nommé Boleslas et dont la tête est mise à prix, tente de s'enfuir des frontières russes. Il sera aidé par l’étrange et l'original baron de Kempelen (l’acteur Conrad Veidt), qui s'entoure d'automates de sa fabrication, dont celui d'un joueur d'échecs. Dissimulé dans ce dernier, le jeune polonais pense pouvoir semer ses poursuivants à la solde de l’impératrice de Russie, mais c’est sans compter sur un des agents de la reine, qui a compris le subterfuge. Il achète l’automate pour le livrer à l’impératrice, qui assiste à une démonstration des talents du désormais célèbre joueur d’échecs au cours d’une soirée au palais…


En voilà un curieux drame historique pour un film à costumes qui reconstitue la cour de Catherine II avec, reconnaissons-le, un luxe de décors et d’habits. Curieux dans la mesure où il oscille constamment entre la farce, l'ironie, la comédie romantique et le drame. Sans oublier ce petit côté surnaturel engendré par la présence silencieuse mais suffisamment inquiétante des automates, qui semblent parfois prendre vie, et de leur non moins troublant concepteur, le baron de Kempelen. Et si les quelques batailles sont assez mal rendues, on ne peut nier le grand charme de ce film, qui ne risque pas de nous faire pleurer dans les chaumières malgré le drame qui se noue, mais qui se révèle très plaisant grâce aux répliques savoureuses d’une impératrice vraiment pas comme les autres et très bien interprétée par la comédienne Françoise Rosay.  Une actrice française que je connais encore très mal,  et ce visiblement à grand tort,  tant je l’ai trouvé excellente. Il n'est peut-être pas inutile de souligner que cette grande dame est toujours considérée comme une légende du cinéma français. Que dire du comédien allemand Conrad Veidt ? Je suis décidément de plus en plus fan de cet acteur, que je rencontre ici pour la première fois dans un rôle parlant, et en français svp ! Et c’est toujours un petit moment d’émotion d’entendre pour la première fois la voix d’un acteur,  qu’on avait jusqu’ici vu principalement dans des films muets.

En final, un film inégal par moment mais injustement oublié car très plaisant dans l’ensemble tant il se regarde toujours agréablement.

Françoise Rosay et Conrad Veidt


Titre : Le joueur d’échecs 
Réalisateur : Jean Dréville
Acteurs : Françoise Rosay, Conrad Veidt, Bernard Lancret, Micheline Francey
Origine : France
Genre : Drame
Année de production : 1938
Durée : 1h10



Affiche du film  réalisé
par Raymond Bernard
Notons qu’il s’agit déjà d’un remake et que si Jean Dréville s’en est plutôt bien sorti, il n’a pas fait oublier la précédente adaptation du roman de Dupuy-Mazuel par le réalisateur Raymond Bernard  (film muet datant de 1927), et qui reste pour l’instant la référence.

Sachez également que ce film s’inspire de l'histoire véridique du Turc mécanique, une grande supercherie mise au point en 1770 par Johann Wolfgang von Kempelen. Il s’agissait d’un automate prétendument doté de la faculté de jouer aux échecs (en fait un homme qui se glissait derrière le mannequin) et qui remportait la plupart des parties qu’il jouait avec des humains. Il rencontrera quelques personnages célèbres tels que Napoléon Bonaparte, Catherine II de Russie et Benjamin Franklin…

Quelques mots enfin sur le réalisateur français Jean Dréville (1906 - 1997) : avant d'être critique de cinéma, il fut dessinateur, affichiste et photographe.  Il a fait ses débuts avec un documentaire sur le tournage L'argent par Marcel l'Herbier.  Il fait également débuter Bourvil au cinéma en 1945, dans La Ferme du pendu, en lui faisant pousser la chansonnette Les crayons, qui lancera la carrière au music-hall de l'acteur.  En raison de sa longévité et de son excellente mémoire, Jean Dréville fut souvent consulté par les historiens du cinéma.


« Le joueur d'échecs de Jean Dréville » a été vu dans le cadre du CYCLE CONRAD VEIDT : DE CALIGARI À CASABLANCA, présenté en ce moment à la Cinematek de Bruxelles.

Disponible également en DVD.











D'autres films avec l'acteur Conrad Veidt à découvrir sur ce blog :

L'Homme qui rit de Paul Leni
Les Mains d'Orlac de Robert Wiene

A lire également :

* L'inhumaine de Marcel L'Herbier 

lundi 19 octobre 2015

Otto Dix, les autoportraits

Otto Dix (Untermhaus, près de Gera, 1891 – Singen, 1969) est un peintre et graveur allemand associé aux mouvements de l'expressionnisme et est un des fondateurs de la Nouvelle Objectivité. Fasciné par tous les aspects de la vie humaine et par les extrêmes, ses sujets de prédilection seront la guerre, la grande ville (avec son cortège de mutilés, de mendiants et de prostituées), la religion et le lien insoluble entre Éros et Thanatos.  Il réalisera de nombreux autoportraits tout au long de sa vie.


Autoportrait d'un fumeur, 1913
Denzlinge, Collection particulière

Petit autoportrait, 1913
Stuttgart, Galerie der Stadt Stuttgart

Autoportrait avec casque de l'artillerie, 1914
Stuttgart, Galerie der Stadt Stuttgart

Autoportrait en soldat, 1914,
Stuttgart, Galerie der Stadt Stuttgart

Autoportraits, 1914
Lawrence, Spencer Museum of ARt

Autoportrait en Mars, 1915
Freital, Haus der Heimat

A la beauté, 1922
Wuppertal, Von der Heydt-Museum

Autoportrait avec muse, 1924
Hagen, Karl Ernst Osthaus Museum

Autoportrait avec chevalet, 1926
Düren, Leopold-Hoesch-Museum der Stadt Düren

Autoportrait avec Jan, 1930
Collection particulière

Autoportrait en blouse blanche, 1931
Cologne, Museum Ludwig

Autoportrait avec palette devant un rideau rouge, 1942
Stuttgart, Galerie der Stadt Stuttgart

Autoportrait avec bonnet de fourrure devant paysage d'hiver, 1947
France, Collection particulière

A découvrir également :

* La guerre chez Otto Dix


vendredi 16 octobre 2015

Le Château de l’araignée d’Akira Kurosawa


Akira Kurosawa, l’un des plus grands maître du cinéma nippon, est également considéré (parfois avec un certain mépris) comme le plus occidental des réalisateurs japonais. Et ce n'est pas cette adaptation de Macbeth de William Shakespeare dans le Japon médiévale du XVIème siècle qui le contredira. Une période propice à ce genre d’intrigue dans la mesure où ce fut une époque très instable dans l’histoire du pays, qui conduisît à l’ascension des samouraïs et à la naissance d'une société guerrière.

Dans un pays en proie aux guerres de successions entre seigneurs, les deux officiers Washizu (Toshirô Mifune) et Miki (Minoru Chiaki) sont sur le chemin de retour d’une bataille victorieuse. Venu rejoindre leur Seigneur qui veut les féliciter pour leur bravoure, ils finissent par se perdre dans le brouillard de la forêt. Ils y rencontrent un fantôme qui leur prédit un grand avenir : outre les honneurs, le spectre prophétise leur ascension sociale prochaine. Mais si Washizu deviendra le seigneur du Château de l'araignée, ce sera le fils de Miki qui lui succédera. Ne voulant croire à de tels prodiges, ils constateront avec effarement que les honneurs reçus par leur Seigneur confirment sa prédiction. Qu’en sera-t-il des autres ? Mise dans la confidence et telle son âme damnée, la femme de Washizu utilisera toute son influence pour encourager son mari à accomplir la partie de la prophétie qui avantage ce dernier…

Si je n’avais pas été démesurément enthousiaste à la vision des Sept Samouraïs (je ne nie aucunement ses qualités mais je l’avais trouvé très long), force est de constater que je m’y suis beaucoup mieux retrouvée avec Le Château de l’araignée, au rythme plus soutenu et sans aucun temps mort. Le personnage joué par la femme de Washizu est absolument effrayant de par son déterminisme et la froideur de son ambition. La folie et la culpabilité grandissantes qui guettent son époux maintiennent également toute l’attention du spectateur, qui pressent bien que tout cela finira mal (il n’y a pas de doute, nous sommes bien dans une pure tragédie). La scène finale est également ahurissante dans la mesure où la multitude de flèches tirées sur le personnage joué par l’acteur Toshirō Mifune étaient de vraies flèches, décochées par de vrais archers. Le réalisateur voulait que l’acteur exprime le mieux possible la terreur du personnage. Dans ces conditions, on image à quel point Toshirō Mifune n’a pas dû beaucoup se forcer pour satisfaire le réalisateur. J’ai beaucoup apprécié également le jeu des acteurs (et particulièrement celui de l’épouse), qui n’est pas sans rappeler le théâtre Nô, à la gestuelle stylisée et comme à l’arrêt, pour mieux souligner certaines accélérations du mouvement ou les mimiques faciales outrancières, plus présentes chez l’acteur. Sans oublier l’excellence de la mise en scène, des décors et des costumes.

Si Le Château de l’araignée fut réalisé en 1957 et gagna quelques prix, il ne sorti en France qu’en 1966, et ce dans l’indifférence générale. Réhabilité depuis, je ne peux que vous conseiller de voir ce film, qui est une belle réussite dans le genre. Je crois d’ailleurs que c’est bien la première fois que j’apprécie la transposition cinématographique d’une pièce de théâtre de William Shakespeare, tant je les trouve habituellement assez rebutantes et ennuyantes. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer, merci Monsieur Kurosawa !

L'avis de Martin.




Titre original : Kumonosu-Jo
Réalisateur : Akira Kurosawa
Acteurs : Toshirô Mifune, Isuzu Yamada, Minoru Chiaki
Origine : Japon
Genre : Drame
Année de production : 1957
Durée : 1h50

mercredi 14 octobre 2015

La photographe Dorothea Lange

Dorothea Lange (Hoboken, 1895 – San Francisco, 1965) est une photographe américaine. Lorsque le président Franklin Roosevelt a besoin de convaincre le Congrès et l’opinion publique pour débloquer des fonds en faveur des agriculteurs ruinés, on pense tout de suite à cette photographe, portraitiste renommée. Les clichés de Dorothea Lange, réalisés pendant la Grande Dépression, contribueront donc à cette demande de subvention. C’est la première fois que le gouvernement américain se sert de la photographie comme moyen de communication et de propagande.

Migrant Mother 1936
Parmi 100 000 clichés pris par Dorothea Lange, une seule restera véritablement dans les mémoires : « Migrant Mother ». Cette photo représente Florence Thompson et ses enfants en bas âge.  La force de cette photo vient du fait qu’elle renvoie à notre patrimoine culturel, notamment aux madones à l’enfant de la Renaissance. Véritable icône de la misère humaine, cette photo sera de nombreuses fois détournée et remaniée pour défendre diverses causes, comme en Espagne pendant le guerre civile du côté républicain, au Venezuela ou chez le Black Panthers (Poverty is a crime, and our people are the victims). Une photo qui a donc fait le tour du monde mais pour laquelle la famille n’a jamais touché un seul centime.


Florence Thompson, lassée de symboliser la misère humaine alors que ses conditions de vie s’étaient améliorées, avait pensé interdire la parution du cliché, sans grand succès. Atteinte d’un cancer quelques années plus tard et ne pouvant payer les frais de son hospitalisation, ses enfants lanceront un appel aux dons dans le New York Times. Quinze mille dollars affluent de tous les États-Unis en quelques semaines. Florence Thompson décèdera en 1983 à l’âge de 79 ans.

Quant à Dorothea Lange, elle est depuis inscrite au National Women's Hall of Fame, en compagnie notamment de Pearl S. Buck,  Georgia O'Keeffe et Elizabeth Blackwell.

Quelques autres clichés : 

Migratory Cotton Picker, Eloy, Arizona @ Dorothea Lange - 1940

@ Dorothea Lange

Funeral Cortege @ Dorothea Lange - 1938

@ Dorothea Lange

@ Dorothea Lange