jeudi 29 janvier 2015

Quand vient la nuit de Michaël R. Roskam


Synopsis

Bob Saginowski [Tom Hardy] est un barman solitaire qui suit d’un regard désabusé le système de blanchiment d’argent basé sur des bars-dépôts – appelés « Drop bars » - qui sévit dans les bas-fonds de Brooklyn. Avec son cousin et employeur Marv [James Gandolfini], Bob se retrouve au centre d’un braquage qui tourne mal. Au même moment, il va recueillir dans des poubelles un jeune pitbull maltraité et faire la connaissance d'une jeune femme [Noomi Rapace] qui va soigner dans un premier temps le chiot, avant de le lui rendre.  Il est loin de s'imaginer qu'il va s'attirer les foudres de son ancien maître [Matthias Schoenaerts].

Trois ans après son impressionnant Bullhead, le réalisateur belge Michaël R. Roskam revient avec un film américain, qui n’est autre qu’une adaptation de la nouvelle Animal Rescue signée Denis Lehane, un auteur de romans noirs déjà brillamment adapté par des réalisateurs de renom tels que Clint Eastwood ou Martin Scorsese.

Un scénario qui n'affiche par une folle originalité et une intrigue autour d'un braquage qui semble finalement assez secondaire pour un film qui vaut avant tout pour son atmosphère et la complexité des portraits psychologiques des personnages,  tous brillamment interprétés par des acteurs talentueux. Mention spéciale pour l’acteur principal, Tom Hardy, qui sous les apparences d’un gars un peu paumé finira par gérer à sa manière un problème qui commence à prendre un peu trop d’ampleur dans sa vie.

Un film intéressant qui prend des allures de fable même s'il se termine sur une note pas si morale que cela. Encore que. 

Les avis de Kathel, d'Alex et du cinéphile m'était conté.


Titre original : The Drop
Réalisateur : Michaël R. Roskam
Acteurs : Noomi Rapace, Tom Hardy, James Gandolfini, Matthias Schoenaerts
Origine : États-Unis
Année de production : 2014
Date de sortie en Belgique : 24/09/2014
Durée: 1h46

Du même réalisateur, à découvrir également :

* Bullhead de Michaël R. Roskam

mercredi 28 janvier 2015

Le président d'Henri Verneuil


Retiré de la scène politique française après de nombreuses années de pouvoir, l’ancien président du Conseil des ministres -  Émile Beaufort (Jean Gabin) -  était réputé pour son intégrité et sa droiture exemplaire. Aujourd’hui âgé de 73 ans, il vit en retrait dans sa vaste propriété campagnarde, tout en dictant ses mémoires à sa secrétaire. 

Ce sera l’occasion de revenir sur plusieurs événements marquants de sa vie, comme cette affaire de dévaluation qui l’opposera aux manœuvres d’un groupe financier, la trahison de son collaborateur Philippe Chamalont (Bernard Blier) ou encore son retrait de la scène politique après avoir prôné l’union européenne, non sans avoir auparavant  réglé ses comptes avec les politiciens cupides et arrivistes. 

Émile Beaufort n’en demeure pas moins attentif à l’actualité des affaires nationales et c’est à la radio qu’il apprend que son ancien collaborateur, l’actuel député Philippe Chamalont, pourrait bien être chargé de constituer un cabinet de large union nationale dans une France en pleine crise ministérielle. Mais Émile Beaufort, qui possède une lettre compromettante et signée par Philippe Chamalont lui-même, pourrait bien en décider autrement…

Ce portrait d’un homme politique, qui emprunterait ses traits à Georges Clemenceau, Aristide Briand ou encore Léon Blum, ne brille pas vraiment par sa mise en scène. Mais le scénario, adapté du roman homonyme de Georges Simenon par Henri Verneuil et Michel Audiard, ce dernier se retrouvant également au commande des dialogues, constitue encore de nos jours une excellente surprise tant on ne s’ennuie pas une seconde pendant la vision du film. Des dialogues percutants et caustiques, un rôle taillé sur mesure pour Gabin qui excelle dans l’interprétation de cet homme vieillissant mais toujours aussi finaud et un Michel Audiard qui prend un réel plaisir (et nous avec) à égratigner les institutions et la petitesse du monde politique. Bref, un film à découvrir si ce n’est déjà fait.


Anecdote amusante : la petite phrase prononcée par  Philippe Chamalont (Bernard Blier) à Émile Beaufort (Jean Gabin) : "Vous n'avez pas le monopole de l'Europe !". Et bien cela m'a de suite fait penser à la très célèbre réplique "Vous n'avez pas le monopole du cœur !" de  Valéry Giscard d'Estaing à  François Mitterrand. Se serait-il inspiré du dialogue de Michel Audiard ? Nous ne le saurons jamais...

L'avis de Martin.


Pour avoir lu le roman de Simenon, on se rend compte du magnifique travail d'adaptation effectué par  Henri Verneuil et Michel Audiard. Le président de Georges Simenon est en effet un roman beaucoup plus sombre, avec un ancien président dix ans plus âgé et nettement plus dans le déclin et la fin de vie.  Il connaîtra une dernière déception cuisante lorsque Philippe Chamalont ne viendra pas lui rendre visite (contrairement au film). Une confirmation donc du fait qu'il n'est définitivement plus une pièce majeure dans le jeu de l'échiquier politique malgré ses années de service mais que tout cela n'est finalement plus tellement important. Et on assiste à une sorte de dépouillement progressif de tout ce qui a compté dans l’existence d'un vieil homme solitaire qui n'attend plus rien de la vie. Un roman plus grave et mélancolique mais également plus intimiste et plus poignant que le film. Disons que les deux se complètent à merveille et qu'il est vraiment intéressant de comparer les deux œuvres.


Réalisateur : Henri Verneuil
Acteurs : Jean Gabin, Bernard Blier, Renée Faure
D'après le roman Le président de Georges Simenon
Origine :  France
Genre : Comédie dramatique
Année de production : 1960
Durée : 1h45


mardi 27 janvier 2015

Les Rapaces d'Erich von Stroheim


Synopsis  

McTeague, ancien chercheur d'or, s'établit comme dentiste à San Francisco, bien qu'il n'ait pas de diplôme. Son ami Marcus lui présente Trina, dont il s'éprend et qu'il épouse bientôt. Trina, qui avait acheté un billet de loterie, gagne le gros lot. Mais son avarice rend la vie difficile à McTeague, qui s'enfonce dans la déchéance, tandis que Marcus, ivre de jalousie, l'attaque pour exercice illégal de la médecine. Un soir, pris de boisson, McTeague tue son épouse et s'enfuit avec ses économies. Il décide de partir pour le Mexique, en passant par la vallée de la Mort. Animé d'une haine tenace, Marcus le prend aussitôt en chasse... 

Erich von Stroheim (Vienne, 1885 – Maurepas, 1957) est un acteur, scénariste et réalisateur américain d'origine austro-hongroise. Célèbre en tant qu’acteur, à tel point que nous ayons bien du mal à nous représenter un officier allemand sans évoquer son allure et sa dégaine, il deviendra réalisateur en 1918 et terminera sa carrière après l’avènement du parlant. 

   Erich Von Stroheim dans La Grande Illusion de Jean Renoir

Réputé pour l’extravagance et le coût de ses films, la Metro-Goldwyn-Mayer décida de réduire la durée de son cinquième film « Les rapaces » en le ramenant de 42 bobines à 10 bobines, passant d’une durée à l’origine d’un peu plus de sept heures à une durée d’un peu plus de deux heures. Stroheim ne se consolera jamais de cette mutilation : «  Je pense n'avoir fait qu'un seul vrai film dans ma vie et personne ne l'a vu. Les quelques malheureux lambeaux subsistants ont été présentés sous le titre Les Rapaces. ». Soulignons enfin qu’il avait poussé le souci de réalisme en tournant uniquement en extérieurs (fait exceptionnel à l’époque), notamment dans les rues de San Francisco et dans la vallée de la Mort, sous des températures dépassant parfois les cinquante degrés.

Ce film extrêmement mutilé du point de vue du réalisateur est malgré tout considéré de nos jours comme une œuvre majeure du cinéma muet hollywoodien, rien de moins. Il faut dire qu'il tient parfaitement la route malgré les nombreuses coupures  et que nous avons réellement l'impression de voir une œuvre à part entière. Cette adaptation du roman « Mac Teague » de Frank Norris témoigne en tout cas d’une grande férocité à l’égard du genre humain : cupidité, jalousie, avarice, possession, sexualité défaillante, rivalité, folie, obsession, convoitise, meurtre, déchéance et vice se font la part belle. Erich von Stroheim n’oublie pas d’y ajouter quelques touches d’humour grotesque et burlesque, qui ne masquent pas pour autant l’extrême pessimisme et cruauté du propos, où l'absence de maîtrise des pulsions morbides conduisent l'homme dans l'impasse la plus tragique qui soit.

Mention spéciale pour l’actrice Zasu Pitts, qui offre une interprétation pittoresque surprenante et truculente à souhait. On comprend qu’Erich von Stroheim en fit son actrice favorite, tant elle représentait à ses yeux « la plus grande tragédienne de l'écran ». Vu sa prestation, on est bien tenté de le croire.









Titre original : Greed
Réalisateur : Erich von Stroheim
Acteurs : Gibson Gowland, Zasu Pitts, Jean Hersholt
Origine : États-Unis
Genre : Drame
Public : Tout public
Année de production : 1925
Durée : 2h12

lundi 26 janvier 2015

Les souvenirs de Jean-Paul Rouve


Synopsis :

Romain a 23 ans. Il aimerait être écrivain mais, pour l'instant, il est veilleur de nuit dans un hôtel. Son père a 62 ans. Il part à la retraite et fait semblant de s'en foutre. Son colocataire a 24 ans. Il ne pense qu'à une chose : séduire une fille, n'importe laquelle et par tous les moyens. Sa grand-mère a 85 ans. Elle se retrouve en maison de retraite et se demande ce qu'elle fait avec tous ces vieux. Un jour son père débarque en catastrophe. Sa grand-mère a disparu. Elle s'est évadée en quelque sorte. Romain part à sa recherche, quelque part dans ses souvenirs...

Un joli film sans prétention, tendre, drôle et émouvant, et dans lequel tout le monde pourra s'y retrouver à un moment ou un autre dans la mesure où plusieurs générations s'y côtoient allégrement. Des gens simples pris sur le vif dans leur intimité et qui affrontent "comme ils le peuvent" ce que nous pourrions appeler des phases délicates de transition.  On est évidemment contents de retrouver une kyrielle d'acteurs  aussi sympathiques que talentueux, pour nous offrir un film qui répond totalement aux exigences d'une comédie dramatique, tant nous oscillons sans peine entre le rire et la mélancolie. Sans oublier quelques petits rôles secondaires qui donnent tout le piquant nécessaire à un récit qui témoigne malgré tout d'un sujet qui aurait pu être déprimant.  Les souvenirs de Jean-Paul Rouve semble avoir trouvé son public tant la salle de cinéma était pleine à craquer ce dimanche après-midi. Un bon film populaire comme on les aime !

Les avis de Dasola et Charles De Clercq de Cinecure.


Réalisateur : Jean-Paul Rouve
D'après l'adaptation du roman homonyme de David Foenkinos
Acteurs : Mathieu Spinosi, Annie Cordy, Michel Blanc, Audrey Lamy, Chantal Lauby
Origine : France
Année de production : 2014
Date de sortie en Belgique : 21/01/2015
Durée : 1h36

Idylle en exil de Soma Morgenstern

Idylle en exil est le deuxième tome de la trilogie Étincelles dans l'abîme, qui fait suite au premier tome, Le Fils du fils prodigue. A la fin de ce premier tome, nous avions laissé le jeune citadin viennois Alfred rejoindre la terre de ses ancêtres, en compagnie de son oncle Welwel et du fidèle régisseur du domaine Jankel. Revenir sur les traces de son père sera l’occasion de renouer avec la spiritualité et l’apprentissage du judaïsme avec son oncle, de faire l’apprentissage de la vie rurale en compagnie du régisseur Jankel, de découvrir les joies de l’amour avec la belle villageoise Donia, et enfin de faire la connaissance avec le petit Lipouch.

Mais cet exil campagnard demeurera-t-il jusqu’au bout idyllique ?

Pour rappel, nous sommes en Galicie Orientale, une région de l’Europe de l’Est ayant appartenu à l’empire austro-hongrois, avant de devenir polonaise après la première mondiale. Une région dans laquelle se côtoient tant bien que mal de multiples ethnies (les Polonais, les Juifs et les Ruthènes), le plurilinguisme (le yiddish, le polonais, l’allemand et l’ukrainien) et les religions (chrétienne et judaïque). Un multiculturalisme qui,  loin d’engendrer une ouverture à l’autre donnant lieu à des concessions mutuelles, attise au contraire les suspicions, défiances et mises à distance. Alfred tentera bien de relier les deux communautés par des pratiques culturelles partagées mais la propension de l’être humain à la violence, l’intolérance et au sectarisme auront vite raison de ses efforts. Car l’art d’attiser les haines et les différences prédominera toujours sur celui d’apaiser les conflits et d’accorder les extrêmes…

L’auteur Soma Morgenstern (Galicie orientale, 1890 - New York, 1976), peut-être le dernier écrivain juif de langue allemande de l'Europe centrale,  évoque la montée du fanatisme et de l’antisémitisme en prenant tout le temps qu’il faut pour nous familiariser à notre tour à la vie rurale et au judaïsme, nous faisant partager la vie spirituelle des juifs mais aussi leurs coutumes et autres rituels. Mais ce ne sera que pour mieux nous faire ressentir la tragédie qui se prépare, terminant ce deuxième tome dans l’atrocité d’un crime qui vous marquera assurément encore longtemps. Nous retrouverons sans nul doute, dans le troisième tome qui clôturera la trilogie, le jeune Alfred transfiguré par cette expérience douloureuse, qui signe tout simplement la fin de l’innocence et des illusions.

J’ai beaucoup aimé ce roman, pour les personnages que nous y rencontrons et la façon de nous les présenter, pour l’humour disséminé jusqu’au moment tragique, pour la beauté et la simplicité de l’écriture. Enfin pour l’humanité qui s’en dégage, dans tout ce qu’elle a de meilleur et de plus abject.  Un roman finalement très contemporain dans notre difficulté du vivre ensemble.


Idylle en exil, Étincelles dans l’abîme tome 2 de Soma Morgenstern, traduit de l’allemand par Denis Authier et Christian Richard, Éditions Liana Levi, Collection Piccolo, 446 pages, octobre 2014.


A découvrir également :

* Le Fils du fils prodigue de Soma Morgenstern, premier tome de la trilogie Étincelles dans l’abîme
* Extrait : Le testament du fils prodigue de Soma Morgenstern (troisième tome)

dimanche 25 janvier 2015

Le peintre Édouard Vuillard

Édouard Vuillard (Saône-et-Loire, 1868 - La Baule, 1940) est un peintre français. Rebuté par l'enseignement officiel, il se rallie plus par amitié que par conviction à un groupe de jeunes très peu académiques : les nabis. Leur chef de file est Maurice Denis et ils se réclament volontiers de Gauguin et du japonisme.  La perspective est souvent abolie, les formes sont simplifiés et agencées de manière décorative, l'harmonie des couleurs est préservée. Il se détournera rapidement des nabis pour adopter une touche plus libre, et particulièrement plus sensible aux étoffes (son grand-père en était fabricant). Peintre volontairement en retrait de par sa nature, il privilégie les scènes intimes et les intérieurs familiers, leur conférant une atmosphère étouffée et une certaine poésie.  

"Je ne suis, a-t-il dit, qu'une petite musique". Mais ô combien charmante !


Deux femmes sous la lampe de Edouard Vuillard, 1892

Les débardeurs de Edouard Vuillard, 1890
Les débardeurs de Edouard Vuillard, 1890

Mme Vuillard cousant de Edouard Vuillard, 1895
Mme Vuillard cousant de Edouard Vuillard, 1895

Intérieur, mère et soeur de l'artiste Edouard Vuillard, 1893
Intérieur, mère et soeur de l'artiste Edouard Vuillard, 1893


Intérieur de la table de travail de Edouard Vuillard, 1893
Intérieur de la table de travail de Edouard Vuillard, 1893

Madame Vuillard lisant de Edouard Vuillard
Madame Vuillard lisant de Edouard Vuillard

La femme en bleu avec des enfants de Edouard Vuillard, 1899
La femme en bleu avec des enfants de Edouard Vuillard, 1899

La lecture du journal de Edouard Vuillard, 1898
La lecture du journal de Edouard Vuillard, 1898


Jardins publics de Edouard Vuillard
Jardins publics de Edouard Vuillard

Le pelouse ronde de Edouard Vuillard, 1900

Promenade dans les vignes de Edouard Vuillard, 1900
Promenade dans les vignes de Edouard Vuillard, 1900  
Los Angeles County Museum of Art

Place Vintimille Edouard Vuillard, 1911
Place Vintimille Edouard Vuillard, 1911

vendredi 23 janvier 2015

The Imitation Game de Morten Tyldum


Héros de la seconde guerre mondiale longtemps méconnu, le génial mathématicien anglais Alan Turing fut le décrypteur d’Enigma, une machine à chiffrer utilisée par l’armée de terre, la marine et l’aviation allemandes. Malgré le fait qu’il ait sauvé de nombreuses vies grâce à cette découverte, il restera dans l’ombre de nombreuses années pour des raisons de secret d’État. Fasciné par la recherche, il sera également un précurseur de l’informatique et de l’intelligence artificielle. Jusqu’au jour où une enquête pour cambriolage dévoile son homosexualité, à une époque où elle était sévèrement condamnée… 

Hommage posthume d’un homme au destin tragique, ce film s’appuie sur un scénario solide et une réalisation très soignée. Si la trame du film s’articule essentiellement autour de l’axe de la recherche, de l’espionnage et de la personnalité d’Alan Turing, il aborde également le droit à la différence. Un film intéressant et sans aucun temps mort mais qui aurait pu sembler un brin convenu si la richesse d'interprétation de l’acteur Benedict Cumberbatch ne faisait pas toute la différence, même si les autres acteurs sont loin de faire de la simple figuration. Une jolie réussite et un acteur qui a définitivement trouvé ses marques dans l'espace cinématographique, et qui pourrait bien obtenir le prochain oscar du meilleur acteur de l’année. A suivre en février prochain !

Les avis du cinéphile m'était conté et  d'Alex.


Titre original : The Imitation Game
Réalisateur : Morten Tyldum
Acteurs : Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew, Goode Mark Strong, Charles Dance Rory Kinnear, Allen Leech
Origine : États-Unis
Genres: Biopic Drame Thriller
Public: Tout public
Année de production : 2014
Date de sortie en Belgique : 14/01/2015
Durée : 1h53

jeudi 22 janvier 2015

Les nouveaux sauvages de Damián Szifron


Ce troisième long métrage du réalisateur argentin Damián Szifron est un film à sketches aussi féroce que libérateur et jouissif. Car le point fort de ce jeune réalisateur est de nous tendre un miroir légèrement déformant et dans lequel nous pourrions sans peine nous reconnaître, pour peu que nous laissions libre cours à nos instincts les plus primaires tels que la jalousie, la vengeance, la colère, la violence ou les envies de meurtre. Des individus comme vous et moi, mais qui un jour craquent devant à un événement imprévisible en cédant au passage à l’acte, seul moyen de se libérer de tensions devenues ingérables. 

L’homme est-il un animal comme les autres ? Vaste question dont ne s’embarrasse pas le réalisateur, au propos volontairement excessif pour désamorcer (le plus souvent mais pas toujours) le drame de la tragédie qui s’annonce par l’absurdité, l'outrance et le rire cathartique. 

Les avis de Dasola, Tina, KathelAlex et du cinéphile m'était conté.


Titre original: Relatos salvajes
Réalisateur : Damián Szifron
Acteurs : Ricardo Darín, Darío Grandinetti, Leonardo Sbaraglia, Julieta Zylberberg
Origines : Argentine, Espagne
Année de production : 2014
Date de sortie en Belgique : 21/01/2015
Durée: 1h55

mercredi 21 janvier 2015

Queen and Country de John Boorman


John Boorman, réalisateur anglais né en 1933 (Duel dans le Pacifique, Délivrance, Excalibur, La forêt d’émeraude), offre une suite à Hope and Glory (1987), film semi-autobiographique dans lequel il évoquait son enfance pendant le Blitz à Londres. Nous sommes cette fois en 1952 et nous accompagnons le même personnage à ses 18 ans. Bill Rohan vit toujours chez ses parents dans une maison située sur une île de la Tamise, à proximité d’un studio de cinéma. Contraint d’effectuer deux années de service militaire en tant qu’instructeur dans un camp d’entraînement pour jeunes soldats anglais en partance pour la Corée, il subira contre son gré le psychorigide Sergent Major Bradley. Il fera également la connaissance avec son voisin de chambrée, l’intrépide et facétieux Percy, et tombera amoureux d’une inaccessible et mystérieuse jeune femme, qu’il surnommera Ophélia.

Queen and Country est un film d’apprentissage par excellence dans lequel sont abordés les premiers amours romantiques et la découverte de la sexualité, l’absurdité et le traumatisme de la guerre, l’amitié et la complicité, la trahison et les désillusions, la passion du cinéma et le couronnement de la toute jeune reine Elizabeth II. Un pays en pleine mutation et un empire britannique sur le déclin, deux générations qui se suivent mais ne se ressemblent pas même si certaines survivances du passé se perpétuent comme la division de la société en classes sociales bien différenciées.

Quelques petites longueurs pour un récit plein de charme et de délicatesse, d’humour britannique et de nostalgie, de pudeur et de facéties, dans lequel il est bien difficile de départager ce qui appartient aux souvenirs ou à l’imaginaire du réalisateur, qui n’a décidément plus rien à prouver en signant ce film au classicisme totalement assumé. Soulignons également quelques seconds rôles joliment dessinés





Réalisateur : John Boorman
Acteurs : Caleb Jones, Callum Turner, Vanessa Kirby, David Thewlis, Richard E. Grant, Pat Shortt, Tamsin Egerton
Origine : Royaume-Uni
Genre : Drame
Public : Tout public
Année de production : 2014
Date de sortie en Belgique : 07/01/2015
Durée : 1h54



mardi 20 janvier 2015

Un portrait en passant, Eugène Delacroix par Théodore Géricault

Eugène Delacroix par Théodore Géricault, 1818
Rouen, Musée des Beaux-Arts

A découvrir également :

Géricault, Fragments de compassion (exposition)

La pluie jaune de Julio Llamazares (Citation)



Nous croyons parfois avoir tout oublié, que la rouille et la poussière des ans ont désormais complètement détruit ce que nous avons un jour confié à leur voracité. Mais il suffit d’un son, d’une odeur, d’un contact furtif et inopiné pour que soudain, les alluvions du temps tombent sur nous sans compassion et que la mémoire s’illumine avec la brillance et la fureur de l’éclair.


La pluie jaune de Julio Llamazares, Éditions Verdier, 17 septembre 2009, 140 pages

lundi 19 janvier 2015

Portrait de femme de Henry James

Nous sommes à la fin du 19ème siècle. Séduisante, intelligente, passionnée et farouchement indépendante, Isabel Archer est une jeune américaine en visite chez ses cousins anglais. Très avide de découvrir le monde et peu désireuse de se marier, elle refuse coup sur coup deux demandes en mariage, provenant d’un Lord anglais et d’un riche américain. Son cousin Ralph, jeune phtisique secrètement amoureux d'Isabel, demande à son père malade de lui léguer une partie de son héritage. Devenue riche suite au décès de son oncle par alliance, Isabel Archer va pouvoir parcourir le monde, en commençant par un voyage en Italie en compagnie de sa tante. Mais cet héritage se révèlera lourd de conséquence lorsqu’une connaissance de la famille, l’intrigante Madame Merle, complotera pour la jeter dans les bras de son ancien amant Gilbert Osmond, un obscur dilettante américain vivant en Italie, veuf entre deux âges, pourvu d’une fille mystérieuse et disposant d’un revenu plus qu’incertain.

A propos de Madame Merle, extrait :

« Il était sûr qu’elle avait été passionnément ambitieuse et que ses succès tangibles ne répondaient pas, et de loin, à ses manœuvres secrètes. Elle s’était parfaitement entraînée sans avoir remporté aucun prix. Elle était toujours la simple Madame Merle, veuve d’un négociant suisse, dotée d’un petit revenu et de beaucoup de relations, qui séjournait chez quantité d’amis et était presque aussi universellement appréciée que les futilités moelleuses d’un roman nouvellement sorti. »

Mais n’écoutant que les élans de son cœur sans tenir aucun compte des conseils de son entourage proche, qui la dissuade de se lier à ce séducteur attentiste, Isabel Archer commettra sans doute la plus grande erreur de sa vie en épousant Gilbert Osmond. Une erreur de jugement qui modifiera le cours de son existence…

Ecrivain d’origine américaine mais naturalisé anglais en 1916, Henry James (New York, 1843 – Londres, 1916) fera plusieurs séjours en Europe avant de s’y installer de façon quasi permanente en 1875, vivant principalement à Paris, en Italie et en Angleterre. La confrontation des cultures du Nouveau Monde et de la vieille Europe fait l’objet de la plupart de ses premiers écrits, dont ce portrait de femme, publié en 1881 et qui ne manque pas d’y faire régulièrement allusion. Mais ce qui prime dans ce portrait d’Isabel Archer et qui constitue une innovation majeure dans la technique du roman est le développement et l’importance accordée aux points de vue des personnages, une technique qui constituera les prémices du monologue intérieur cher à cet autre écrivain qui n’est autre que James Joyce.

Ce roman, dans lequel la question du mariage, des élans de cœur et de la confusion des sentiments se font la part belle sur presque 700 pages, permet d’accompagner l’évolution psychologique d’Isabel Archer. Que de chemin parcouru entre la jeune fille éprise de liberté et avide de connaissances et de découvertes et la femme désenchantée et désillusionnée après l’échec de son mariage. Une erreur bien difficile à admettre pour l’orgueilleuse Isabel Archer, qui devra faire preuve d’humilité et de courage pour affronter le désaveu du seul acte sacré de sa vie.

Un roman dense qui n'a rien perdu de sa pertinence dans la description des conflits intérieurs et une écriture très agréable à lire pour suivre l'évolution psychologique des personnages.

Portrait de femme (The Portrait of a Lady) de Henry James, Traduction de l’anglais par Claude Bonnafont, Éditions 10 x 18, Collection Domaine étranger, nouveau tirage janvier 2014, 690 pages.

Édition originale : 1881

Note : 4/5


dimanche 18 janvier 2015

L'homme qui rit de Paul Leni


Nous sommes en Angleterre, à la fin du XVIIe siècle. Le roi Jacques fait exécuter son ennemi Lord Clancharlie et vend son jeune fils aux trafiquants d'enfants. Le jeune Gwynplaine, défiguré au visage suite à la bouche fendue par un coup de couteau,  parvient à s'enfuir et trouve sur son chemin un bébé aveugle qu’il sauvera du froid. Le petite Dea et lui-même seront bientôt recueillis par le forain Ursus. Gwynplaine, amoureux de la belle Dea, est devenu un célèbre comédien ambulant sous le nom de "L'Homme qui rit".  Au cours d'un spectrale, le bouffon Barkilphedro découvre son ascendance noble et la dévoile à la reine Anne, qui a succédé au roi Jacques...

Paul Leni réalise en 1928 cette excellente adaptation de L’homme qui rit de Victor Hugo. Ce réalisateur allemand, né en 1885 à Stuttgart et décédé en 1929 à Los Angeles, est aujourd’hui un peu tombé dans l’oubli. S’il se destinait dans un premier temps à la peinture et avait participé activement au mouvement pictural d’avant-garde Der Sturm (berceau de l’expressionnisme des arts plastiques), il prendra goût à la décoration théâtrale et cinématographique tout en travaillant également comme dessinateur de costumes et concepteur d’affiches de cinéma, avant de devenir réalisateur en 1916. Remarqué par Carl Laemmle (patron des studios Universal), grâce à son film le Cabinet des figures de cire tourné en 1924, Paul Leni est invité à se rendre aux États-Unis. Il y tournera quatre longs-métrages dont cette adaptation de L’homme qui rit, qui sera son avant-dernier film mais également l’unique film de sa période américaine à reprendre quelques ingrédients de l’expressionnisme. Il mourra prématurément à l’âge de quarante-quatre ans.

L’homme qui rit (The Man Who Laughs) est un film de commande dans la mesure où les studios Universal souhaitaient renouveler le succès obtenu par l’adaptation de Notre-Dame de Paris, réalisé par Wallace Worsley. Le film recevra donc un budget conséquent et pourra compter sur les stars de l’époque, dont l’excellentissime Conrad Veidt (déjà mentionné dans mon billet sur Les Mains d’Orlac de Robert Wiene). 

Si certaines séquences de trucage peuvent prêter à rire aujourd’hui (difficile de simuler l’attaque d’un chien qui vous saute à la gorge avec une sorte d’animal empaillé aussi rigide que statufié), c’est surtout le visage de Gwynplaine (Conrad Veidt) qui impressionne toujours autant, et on découvre avec stupéfaction que c’est tout simplement ce personnage qui a servi de source d’inspiration aux dessinateurs du maléfique Joker, apparu pour la première fois dans Batman.

Réflexion sur les apparences trompeuses, la marginalité, les jeux de masque, la différence de classes et les mœurs dissolues du monde politique, j’ai été séduite par cette adaptation dramatique même si parfois exagérément romantique. Les studios imposèrent malheureusement un happy-end, contrairement à la volonté initiale du réalisateur et contrastant également avec l’œuvre de Victor Hugo. Quoi qu’il en soit, une œuvre qui mérite vraiment d’être redécouverte, pour peu que vous appréciez le cinéma muet.




Titre original : The man who laughs
Réalisateur : Paul Leni
Acteurs : Conrad Veidt, Mary Philbin
Origine : États-Unis
Genre : Comédie dramatique
Public : Tout public
Année de production : 1927
Durée : 1h49

A découvrir également :

* Les Mains d'Orlac de Robert Wiene
* Docteur Mabuse de Fritz Lang
* Double assassinat dans la rue Morgue de Robert Florey

vendredi 16 janvier 2015

Mr. Turner de Mike Leigh


Par quel mystère un sale bonhomme aussi bourru, misanthrope, grossier, solitaire, taciturne, bestial et égoïste a-t-il pu devenir ce peintre aussi génialement inspiré pour avoir produit autant de chefs-d’œuvre ?

C’est qu’il était tout cela et le contraire à la fois : doté d’une personnalité complexe, Mr. Turner pouvait également manifester de la générosité (il préfèrera léguer une grande partie de son œuvre à la National Gallery plutôt que de la vendre à un riche marchand), de la compassion, de l’humilité et même une certaine vulnérabilité. Il était également capable d’éprouver d’intenses fulgurances émotives, qui jaillissaient presque malgré lui telles les émissions de lave d’un volcan qu’on aurait pu croire éteint depuis longtemps. J'ai par contre nettement moins apprécié les multiples grognements  du personnage, beaucoup trop présents pour ne pas donner l'impression de surligner le caractère d'ours mal léché du peintre, au cas où nous l'aurions oublié (je me demande par quel miracle d'ailleurs).

Un homme entouré de son père (ancien barbier) et de sa gouvernante dévouée (qui lui sert occasionnellement d’exutoire sexuel), d’une ancienne compagne et de ses deux enfants (qu’il reconnait à peine), et qui terminera sa vie avec la charmante Mrs Booth (propriétaire d’une pension de famille en bord de mer). Le tout donnant lieu à un joli éventail de portraits de femmes de l’époque. 

Seront évoqués également ses relations parfois houleuses avec les peintres contemporains et la Royal Academy of Arts, les critiques d’art (qui donneront lieu à une séquence très ironique dans laquelle le réalisateur semble régler ses comptes avec les critiques de cinéma), les marchands d’art et l’aristocratie, mais aussi la pauvreté et les conditions de vie de la classe ouvrière.

Un film composé de très beaux paysages et d’un cadrage aussi lumineux que les toiles de ce peintre, qui aura beaucoup voyagé et dont l’obsession de toute une vie aurait pu se résumer dans l’art de vouloir capter la lumière.

Les avis du cinéphile m'étant conté, de Dasola et d'Alex.


Réalisateur : Mike Leigh
Acteurs : Timothy Spall, Roger Ashton-Griffiths, Robert Portal, Jamie Thomas King
Origine : Royaume-Uni
Genre : Drame
Public : Tout public
Date de sortie : 10/12/2014
Durée : 2h29

jeudi 15 janvier 2015

Le peintre Joseph Mallord William Turner


Lever de soleil dans la brume, pêcheurs nettoyant et vendant le poisson
Lever de soleil dans la brume, pêcheurs nettoyant et vendant le poisson
William Turner, 1807
Londres, National gallery

Le déclin de l'empire carthaginois de William Turner, 1817

Éruption du Vésuve par William Turner, 1817

La bataille de trafalgar par William Turner, 1822-1824

Château d'Alnwick, Northumberland par William Turner, 1828

Ulysse se moque de Polyphème de William Turner, 1829
Ulysse se moque de Polyphème par William Turner, 1829

Les feux des bateaux, 1835
Les feux des bateaux par William Turner, 1835


Feu en mer par William Turner, 1835

Pluie, vapeur et vitesse - Le chemin de fer de William Turner, 1840
Pluie, vapeur et vitesse - Le chemin de fer par William Turner, 1840


Venise : La Dogana - San Giorgio de William Turner, 1842
Venise : La Dogana - San Giorgio par William Turner, 1842


Tempête de neige de William Turner, 1842
Tempête de neige par William Turner, 1842
National Gallery

Venise en approche par William Turner, 1844

Le peintre anglais Joseph Mallord William Turner est né à Londres en 1775 et décédé à Chelsea en 1851. Dès son enfance, son père barbier exposait dans sa vitrine les dessins de jeune William. Il reçu des leçons de l'aquarelliste Thomas Malton et suivit des cours à la Royal Academy, dont il sera élu en tant que membre associé en 1799. William Turner allie l'observation de la nature à l'évocation littéraire et mythologique. Il trouve son inspiration auprès des peintres Nicolas Poussin et Claude Lorrain. 

Ses pérégrinations le conduiront à Calais, Paris, en Savoie, au Piémont, à Venise, aux Pays-Bas et en Suisse. C'est par l'aquarelle qu'il va se libérer du dessin afin de mieux révéler les couleurs, l'atmosphère, les vapeurs lumineuses et dorées. Il devance l'impressionnisme en exprimant les vibrations de la lumière et du mouvement à travers la fureur des éléments. Incompris, il démissionnera de son poste de professeur de perspective à la Royal Academy mais trouvera en la personne de John Ruskin (critique d'art britannique) un fervent admirateur. 

Bourru, taciturne, le caractère du peintre s'assombrit dans les dernières années de sa vie et il mourra dans l'indifférence générale. Seul John Ruskin le célèbrera dès 1843, en publiant son éloge dans ses Peintres Modernes. William Turner lèguera son immense collection à la nation anglaise et sera enterré, selon son vœu, près de Sir Joshua Reynolds (peintre britannique spécialiste du portrait) dans la cathédrale Saint-Paul.