mercredi 29 octobre 2014

L'enfant sauvage de François Truffaut


Nous sommes dans l'Aveyron, en 1798. Des chasseurs capturent dans la forêt un enfant-loup âgé d’une dizaine d’années, visiblement abandonné depuis son plus jeune âge. Ayant survécu jusqu’à ce jour seul dans la nature, à l’état sauvage et loin de toute civilisation, il est emmené à l'institut des enfants sourds-muets de Paris, où il sera battu par ses condisciples et mis en spectacle pour satisfaire la curiosité des parisiens. Le jeune médecin Jean Itard refuse d’accréditer la thèse de l’idiotie, thèse prônée par le professeur Pinel, qui ne lui donne aucune chance de rémission et veut le faire interner à l'asile. Jean Itard soutient le contraire et émet le souhait de l’emmener chez lui, à la compagne, pour l’éduquer en compagnie de sa gouvernante. Et faire de cet enfant sale, hirsute, quasi sourd et muet et marchant à quatre pattes, un individu socialisé à même de vivre en société.

Jean Itard est véritablement fasciné par cet enfant, insensible à toute manifestation d’affection et qui ne pleure jamais. Il veut le ramollir, le rendre plus souple, plus sensible, qu’il cesse d’entendre sans écouter, de regarder sans voir. Il va lui apprendre dans un premier temps à réagir à son nouveau nom, ensuite essayer d'affiner sa perception des sons, développer ses connaissances, ses capacités de compréhension, de communication et de logique. Un apprentissage difficile et souvent éprouvant pour l’enfant, qui peu à peu s’humanise mais à quel prix ? L’éveil à la société se fait dans la souffrance et la douleur de l’effort constant, et c’est par l’apparition des premiers pleurs, d’un sourire ou du chagrin que le jeune Victor accède peu à peu à son humanité naissante. Une rééducation aux résultats lucunaires et une humanité qui restera balbutiante tant Victor ne pourra jamais rattraper le retard accumulé pendant ses années de survie.

Ce film, en apparence didactique et froid, refusant toute espèce de sentimentalisme, arrive à nous toucher profondément de par les thèmes qu’il aborde : la part de l’inné et de l’acquis, l’importance de l’apprentissage, de l'affection et de la socialisation dans le développement des sens, des émotions et de l’intelligence, les incroyables facultés d’adaptation et l'instinct de survie, l’irréversibilité de certains manquements et l'importance de l'enfance dans le devenir d'un homme. Il pose également une question cruciale : à partir de quand devient-on humain ? Des thèmes fondamentaux que François Truffaut traite admirablement en restant au plus près de l’observation clinique et scientifique, sur un ton neutre et constant. Et pourtant l’émotion jaillit malgré soi tant cet enfant nous touche et nous renvoie aussi quelque part à notre propre animalité apprivoisée.


Réalisateur: François Truffaut
Acteurs: Jean-Pierre Cargol, François Truffaut, Jean Dasté, Françoise Seigner
Origine: France
Année de production: 1969
Durée: 1h24

 Note

4 commentaires:

  1. Truffaut est longtemps resté pour moi un réalisateur de films hermetiques, trop intello pour le soixantehuitard ouvriériste que j'étais. ton commentaire rétablit la juste mesure des choses et on se sent un peu honteux, pour pas être plus grossier, de ces jugements faciles de l'époque, même si les salles de cinéma ne nous aidaient pas beaucoup (c'est là qu'on regrette que le blog n'existait pas encore) à murir, heureusement qu'il me restait LEO FERRE pour ne pas finir idiot ! :)
    Merci pour ton lien pour mon commentaire cinéma et bonne continuation.

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    1. Il n'est jamais trop tard Alex ! Moi-même je connais très mal Truffaut, et cela va faire quelques mois à peine que je m'y suis mise plus sérieusement (rien à voir avec les commémorations trente ans après sa mort, c’est une coïncidence) et j'aime assez bien pour le moment mais j'ai évité jusqu’à présent tout le cycle Doinel, avec lequel je pense avoir plus de mal. Je vais sans doute tenter un jour, mais après avoir épuisé ses autres films de sa filmographie. Bref, j’ai de quoi faire parce que je les regarde tout de même au compte-gouttes.

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  2. Belle chronique, Sentinelle, tu me donnes très envie de le revoir ! Il serait aussi assez intéressant de savoir comment Truffaut a travaillé avec l'enfant acteur qu'il avait trouvé et que j'imagine volontiers marqué par l'expérience.

    J'ai besoin d'un cinéma varié pour prendre du plaisir à ce que je vois. Pas sûr que ce sera mon prochain Truffaut, mais ce genre de films rentre franchement avec un grand intérêt dans la liste de mes attentes liées au septième art. Je t'encourage d'autant plus à voir le Herzog dont je t'ai parlé l'autre jour.

    Bonne journée :)

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    1. Je pense que tu devrais t’y retrouver également. Comme je l’ai écrit récemment, j’avais un peu peur de revoir ce film « culte » de mon enfance mais il tient toujours aussi bien la route et les thématiques qu’il aborde sont toujours aussi percutantes que captivantes. Je comprends tout à fait pourquoi il m’avait tant impressionné étant enfant. Le petit Victor, joué par Jean-Pierre Cargol (neveu de Manitas de Plata) est absolument extraordinaire.

      Quant à mon prochain Truffaut, j’ai profité de la récente diffusion de La peau douce à la télévision pour enfin le voir. Je dois encore écrire mon commentaire, mais je le laisse murir encore un peu avant de m’y mettre.

      Je prends bien note de ton conseil pour le Herzog.

      Bonne journée et à bientôt :-)

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