vendredi 25 mars 2011

Laisse-moi entrer de John Ajvide Lindqvist

Une fois n’est pas coutume, plutôt que de vous citer la quatrième de couverture, peu explicite, je vais vous citer le synopsis du film Morse de Tomas Alfredson, film adapté du roman et qui le résume très bien.

Synopsis : Oskar est un adolescent fragile et marginal, totalement livré à lui-même et martyrisé par les garçons de sa classe. Pour tromper son ennui, il se réfugie au fond de la cour enneigée de son immeuble, et imagine des scènes de vengeance. Quand Eli s'installe avec son père sur le même pallier que lui, Oskar trouve enfin quelqu'un avec qui se lier d'amitié. Ne sortant que la nuit, et en t-shirt malgré le froid glacial, la jeune fille ne manque pas de l'intriguer... et son arrivée dans cette banlieue de Stockolm coïncide avec une série de morts sanglantes et de disparitions mystérieuses. Il n'en faut pas plus à Oskar pour comprendre : Eli est un vampire. Leur complicité n'en pâtira pas, au contraire...

« Laisse-moi entrer » est bien plus qu’un roman de vampires tant il sort des sentiers battus. Lorgnant sans peine vers l’étude sociale d’une banlieue triste et froide de Stockholm où le manque prévaut, c’est bien le manque d’attention des adultes et des parents, le manque de confiance et d’estime de soi, le manque de volonté, le manque de communication, le manque de plaisir, le manque d’amour, le manque de repères et de références familiales, le manque de perspectives d’avenir et le manque de moyens qui sont abordés ici, bien plus que le manque de sang nécessaire à la survie de l’enfant vampire. La peur n’est pas en reste : la peur de l’engagement mais aussi et avant tout la peur de la solitude conjuguée à la peur de l’autre.

L’auteur navigue toujours en eau trouble, que ce soit au niveau des sentiments qu’au niveau de l’identité et des tendances sexuelles, la prostitution enfantine et la pédophilie étant abordées sans complaisance. La violence est omniprésente, mais là aussi l’auteur brouille les pistes tant la cruauté n’est pas toujours là où l’on croit : entre celui qui tue pour vivre ou ceux qui torturent pour se défouler et tromper l’ennui, on ne sait plus très bien qui est le plus bestial ou le plus féroce dans cette histoire. L’adolescent entre dans le monde adulte par le biais de la violence semble nous dire John Ajvide Lindqvist, n’hésitant pas à pratiquer le sadisme et l’exploitation de l’autre tant le rapport de force est déterminant dans les échanges : être la proie ou le prédateur, tel est l'enjeu.

Un roman souvent glauque et cruel, un roman d’amour mais aussi un roman cafardeux et étouffant tant nous avons l’impression que les personnages sont tous enfermés dans leurs petites cases sans échappatoires possibles si ce n’est la fuite en avant. On gigote beaucoup sans pour autant avancer d’un pas, tout semble si désespérément cyclique et répétitif que seuls l’amour et le don de soi semblent encore constituer la bulle d’oxygène nécessaire à la survie, mais à quel prix…

Pour ceux qui ont vu l’excellent film Morse de Tomas Alfredson adapté du roman, n’hésitez pas à lire ce dernier tant il aborde d’autres thématiques « plus dérangeantes » non exploitées dans le film. Il contient plus de noirceurs (horreurs ?) mais apporte aussi des éclairages supplémentaires quant au passé et l’identité d’Eli.