vendredi 30 juillet 2010

Mémoires de porc-épic d'Alain Mabanckou

Avez-vous déjà été témoin des confessions d’un porc-épic faites à un Baobab ? Mais attention, pas de n’importe quel porc-épic ! Il s’agit ici d’un porc-épic qui n’appartient plus tout à fait au genre animal, puisqu’il fut longtemps le double nuisible d’un homme qu’on appelait Kinbandi.

Incarnation animale d’un homme tué avant-hier pour avoir commis de nombreux crimes dans son village, ce porc-épic ne comprend pas pourquoi il est toujours en vie alors que son maître n’est plus.

Et c’est à l’ombre d’un cher Baobab qu’il confesse que les visages de ces hommes tués sous ses piquants ne cessent de le hanter depuis lors. Mais que pouvait-il faire, obligé d’obéir sans broncher et sans juger à Kibandi , cet homme qu’il rejoignait la nuit pour exécuter les missions qu’il lui confiait, même si les dernières en date furent particulièrement pénibles tant elles lui paraissaient gratuites et sans fondements ?

Il faut dire que la transmission d’un double, qui s’opère à la dixième année d’un enfant au cours d’un rite initiatique secret accompli exclusivement par le père, et ce de génération en génération, conduit à des changements qui feront de l’initié un homme qui ne se laissera plus jamais habiter par des sentiments comme la pitié, la commisération ou le remord. Et quand on sait que les raisons pour ‘manger’ son pareil (c’est-à-dire « mettre fin aux jours d’un individu par des moyens imperceptibles pour ces incrédules qui nient l’existence d’un monde parallèle ») sont si nombreuses (jalousies, moqueries, colères, envies, humiliations pour ne citer que quelques-unes), on ne s’étonnera guère qu’un jour ou l’autre la multiplication des décès dans le village suscitera interrogations et recherche du coupable…

Fable philosophique sous les allures d’un conte africain et hommage à La Fontaine, « Mémoires d’un porc-épic » est un roman très original dans lequel l’humour, les parodies, les clins d’œil, l’ironie sont une belle invitation au pays des croyances et de l’imaginaire africains.

Originalité au niveau du style dans la mesure où la ponctuation (ou le manque de ponctuation, seule la virgule étant gardée) sert au mieux la musicalité, le rythme et l’oralité africaine.

Originalité au niveau du contenu : sorciers, féticheurs, villageois, double nuisible, tout ce petit monde pris dans la tourmente d’un monde parallèle et d’une société africaine où l’épreuve du cadavre qui déniche les malfaiteurs heurte la raison des ethnologues et des prétentieux africains éduqués en Occident, mais aussi réflexion sur la littérature, les romans, l’autre cet éternel « étranger ».

J’ai beaucoup aimé ce roman même si j’ai eu du mal au début de ma lecture, peu habituée au style et au sujet. J’ai dû lire quelques dizaines de pages avant de me laisser apprivoiser mais quel délice passé ce cap, nom d’un porc-épic !


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