mercredi 5 mai 2010

La grande entourloupe de Roald Dahl

Le narrateur reçoit une grosse caisse en bois expédiée d’Haïfa sans pour autant trouver le nom et l’adresse de l’expéditeur. A sa très grande surprise, cette caisse contient en tout vingt-huit volumes reliés en somptueux maroquin vert et portant, dorés aux petits fers sur le dos, les initiales O.H.C. Oswald Hendryks Cornelius, l’oncle Oswald !

Cet excentrique mais néanmoins riche célibataire, voyageur insatiable et très porté sur la bagatelle, n’avait plus donné de nouvelles à sa famille depuis plus de trente ans.

Le narrateur comprend, par une lettre posthume que lui adresse son oncle, que ce journal intime est le seul bien qu’il puisse léguer à ses héritiers légitimes, ayant consciencieusement dépensé toute sa fortune comme il l’entendait de son vivant. Tout en l’avertissant que son contenu ne devrait pas sortir de la famille :

« Il couvre les meilleures années de ma vieet cela ne vous fera pas de mal de le lire. Mais si vous laissez circuler ou le confiez à des mains étrangères, ce sera à vos risques et périls. Et si vous le publiez un jour, eh bien, j’imagine que cela entraînera votre perte et du même coup celle de votre éditeur. Car vous devez le comprendre, des milliers d’héroïnes auxquelles je fais allusion au fil de ce journal ne sont encore qu’à demi mortes, et si vous êtes assez fous pour éclabousser la blancheur virginale de leurs réputations en publiant ces pages scandaleuses, elles se feraient en moins de rien apporter vos têtes sur un plateau d’argent et le mettraient à rôtir pour faire bonne mesure. »

Mais comment ne pas vouloir faire partager aux lecteurs ce qui pourrait être une des œuvres autobiographiques majeures de l’époque, faisant passer les Mémoires de Casanova pour un bulletin paroissial ? Dénichant six récits les plus inoffensifs (entendez par là ne pouvant pas entraîner de graves litiges), le choix se porta en premier sur l’Episode du Désert de Sinaï…

C’est ainsi que débute ce recueil de quatre nouvelles ayant comme thèmes communs une réflexion sur la chair, l’instinct sexuel, le plaisir et la gaudriole. Mais contre toute attente, deux nouvelles seulement sur les quatre porteront sur l’oncle Oswald, les deux autres mettant en scène des personnages totalement étrangers.

Autant vous le dire tout de suite, cette lecture fut un véritable régal ! Petits contes délicieusement cruels et humour noir sont au rendez-vous mais pas seulement : fantaisie, imagination, rebondissement, coup de théâtre et surtout ironie et fatuité de l’éternel masculin. Tel est pris celui qui croyait prendre ! On jubile tout simplement. Un tout petit bémol pour la troisième nouvelle qui tranche avec les autres, plus sombre et plus grave, ne trouvant du coup pas vraiment sa place dans ce recueil. Mais trêve de chipotage, des recueils comme celui-ci, j’en redemande encore et encore ! Et bonne surprise pour les fans dont je suis, on peut poursuivre les aventures toujours aussi amusantes que délirantes de l’oncle Oswald dans le roman « Mon oncle Oswald » du même auteur.