mercredi 28 avril 2010

Henri Désiré Landru de Chabouté (BD)

Tout le monde connaît un des plus célèbres si pas le plus célèbre tueur en série français, j’ai nommé Henri Désiré Landru. Marié et père de quatre enfants, Landru entame après son mariage une carrière d’escroc avec plus ou moins de bonheur puisqu’il fut tout de même condamné à 7 reprises pour escroqueries entre 1900 et 1912.

Celui que la presse nommera le Barbe-Bleue de Gambais commence sa petite entreprise de crémation dès 1915 : profitant du fait que de nombreuses femmes se retrouvent esseulées ou veuves – nous sommes en pleine première guerre mondiale et de nombreux hommes périssent dans les tranchées – Landru séduit, par le biais de petites annonces matrimoniales, de nombreuses femmes en leur faisant miroiter un mariage aisé. Leur séjour de quelques jours dans une villa isolée précédant leurs fiançailles se révèlera à chaque fois fatal, Landru faisant disparaître le corps après avoir fait signer à sa victime une procuration bancaire.

Vu le nombre de biographies ayant pour sujet Landru et la bonne connaissance du grand public du modus operandi du célèbre meurtrier, on aurait pu craindre que l’auteur ne nous livre qu’une simple illustration linéaire sans aucune surprise. Ce serait là bien mal connaître l’auteur ! Chabouté arrive à nous surprendre là où on ne l’attendait pas dans la mesure où il ne se contente pas de reprendre les éléments clés de la vie de Landru : si le récit commence par le réquisitoire qui conduira Landru à la guillotine en 1922, c’est pour mieux revenir ensuite à la France de l’époque et aux atrocités vécues par les poilus dans les tranchées. Non seulement il insère dans son récit les événements historiques et politiques mais il propose également une histoire alternative dans laquelle Landru ne serait plus le meurtrier tel que nous le connaissons aujourd’hui mais au contraire la victime d’une sombre et horrible machination. Pari d’autant plus réussi que le trait noir et blanc et les traits anguleux prêtés aux personnages se prêtent à merveille à cette histoire macabre et sans concession pour l’âme humaine.

Chantage, cupidité, manipulation, trahison, meurtres, Chabouté n’en a décidemment pas terminé avec la part sombre de l’homme, cet animal doué de raison mais pas toujours pourvu de moralité. Et ce n’est pas cette libre adaptation de la version officielle de l’affaire Landru qui nous prouvera le contraire, pour notre plus grand plaisir de lecteur ! 




dimanche 25 avril 2010

Nana d'Emile Zola

« Nana » est le neuvième volume de la série « Les Rougon-Macquart ou l’histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire », fresque écrite entre 1871 et 1893 et qui regroupe vingt romans au total.

Publié en 1880, Émile Zola s’inspire de Blanche Dantigny pour son personnage principal, actrice médiocre mais courtisane et demi-mondaine des plus courues du second empire.

Nana est donc l’histoire d’une courtisane de dix-huit ans qui commence son ascension en interprétant – fort mal mais très joliment dévêtue – le rôle de Vénus au théâtre des Variétés de Paris. Si le talent lui manque, la rondeur de ses cuisses, son fameux coup de hanche, sa chevelure rousse flamboyante, sa petite bouche rouge et ses grands yeux d’un bleu très clair font le reste :


« Nana était si blanche et si grasse, si nature dans ce personnage fort des hanches et de la gueule, que tout de suite elle gagna la salle entière. […]Dès ce second acte, tout lui fut permis, se tenir mal en scène, ne pas chanter une note juste, manquer de mémoire ; elle n’avait qu’à se tourner et à rire, pour enlever les bravos. Quand elle donnait son fameux coup de hanche, l’orchestre s’allumait, une chaleur montait de galerie en galerie jusqu’au cintre. Aussi fut-ce un triomphe, lorsqu’elle mena le bastringue. Elle était là chez elle, le poing à la taille, asseyant Vénus dans le ruisseau, au bord du trottoir. Et la musique semblait faite pour sa voix faubourienne, une musique de mirliton, un retour de foire de Saint-Cloud, avec des éternuements de clarinette et des gambades de petite flûte. »

Le public masculin est grisé et comme ensorcelé, et on ne compte plus les coups de sonnette à sa porte les jours qui suivent sa première représentation :


« Trois fois, coup sur coup, la sonnerie avait tinté. Les appels du timbre se précipitaient. Il y en avait de modestes, qui balbutiaient avec le tremblement d’un premier aveu ; de hardis, vibrant sous quelque doigt brutal ; de pressés, traversant l’air d’un frisson rapide. Un véritable carillon, comme disait Zoé, un carillon à révolutionner le quartier, toute une cohue d’hommes tapant à la file sur le bouton d’ivoire. Ce farceur de Bordenave avait vraiment donné l’adresse à trop de monde, toute la salle de la veille allait y passer. »

L’heure de gloire est enfin arrivée ! Nana passe de la gêne et des petites passes pour arrondir ses fins de mois aux hommes riches et célèbres dont Muffat, haut dignitaire de l’Empire et homme d’une grande piété réputé pour sa chasteté mais que Nana envoûtera et humiliera sans peine. Il ne sera pas le seul à y laisser ses plumes, d’autres hommes suivront ou s’intercaleront, c’est selon :


« Ce fut l’époque de son existence où Nana éclaira Paris d’un redoublement de splendeur. Elle grandit encore à l’horizon du vice, elle domina la ville de l’insolence affichée de son luxe, de son mépris de l’argent, qui lui faisait fondre publiquement les fortunes. Dans son hôtel, il y avait comme un éclat de forge. Ses continuels désirs y flambaient, un petit souffle de ses lèvres changeait l’or en une cendre fine que le vent balayait à chaque heure. Jamais on n’avait vu une pareille rage de dépense. L’hôtel semblait bâti sur un gouffre, les hommes avec leurs biens, leurs corps, jusqu’à leurs noms, s’y engloutissaient, sans laisser la trace d’un peu de poussière. »

Si Nana peut sembler égoïste, superficielle et vénale, conduisant - parfois malgré elle - ses amants à la ruine, au suicide, aux vols et escroqueries pour subvenir à ses besoins démentiels, ce n’est pas faute de les avoir repoussés en refusant sans cesse leur demande en mariage. Elle n’échappera d’ailleurs pas elle-même aux tourments et aux désillusions de l’amour, connaissant des revers douloureux qui la mèneront encore plus loin sur le sentier de la perdition.

Tout cela finira mal… forcément ! Si l’ascension et la gloire d’une capricieuse courtisane symbolisent la décadence et la corruption du second Empire, la petite vérole dont sera atteinte Nana incarne quant à elle la fin du second Empire.



« Vénus se décomposait. Il semblait que le virus pris par elle dans les ruisseaux, sur les charognes tolérées, ce ferment dont elle avait empoisonné un peuple, venait de lui remonter au visage et l’avait pourri. »

« Nana » de Emile Zola connaîtra un succès immense dès sa publication, succès qui ne sera jamais démenti dans la mesure où cette œuvre reste toujours de nos jours l’un des tomes les plus lus du cycle des Rougon-Macquart. Un régal de lecture qui m’a donnée envie de reprendre le cycle depuis le début, c’est dire !


dimanche 11 avril 2010

Boulevard des banquises

Quatrième de couverture
 
Sarah, romancière déçue, accepte faute de mieux de rédiger le guide touristique de Gottherdäl, une île qui semble vivre en dehors du temps, perdue dans les glaces du pôle Nord. Mais quels sinistres secrets cachent les aberrations architecturales de cette Venise de l'Arctique ? Quel est le but des cérémonies expiatoires dans lesquelles se complaisent, chaque nuit, les habitants de l'île ? Quel crime ancien ronge leurs âmes ?
 
J’ai bien aimé ce roman, bien représentatif des obsessions (la folie des hommes, le sentiment de culpabilité, la quête identitaire) et fantasmes de l’auteur (masochisme et fascination morbide).
 
L’intrigue est comme souvent bien mince mais il excelle comme toujours dans la mise en scène des événements : une atmosphère délétère et étouffante, une ambiance oppressante et pestilentielle, des personnages torturés, des mises en scènes très visuelles (les cérémonies expiatoires, les mortifications et cilices en tous genres, les enfants hurleurs, les masques). ..
 
Les répétitions ne manquent malheureusement pas, mais cela reste tout à fait supportable (j’ai lu précédemment Le murmure des loups qui contenait tellement de répétitions que ce fut un calvaire de poursuivre jusqu’au mot fin).
 
Un bon roman donc, au climat malsain et nuisible au possible, mais qui reste avant tout un roman d’ambiance où l’atmosphère rendue prime sur l’intrigue. Ceci dit, je ne comprends pas trop pourquoi ce roman est paru dans la collection SF tant il ne contient aucun élément SF, ce roman lorgnant surtout vers le genre fantastique. 


La moisson d'hiver de Serge Brussolo

Quatrième de couverture

Dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, Julien, exilé depuis cinq ans au fond d'un pensionnat, apprend que son grand-père est mort dans d'étranges circonstances, lui laissant pour tout héritage les miettes de la propriété familiale, là-bas, en Normandie. Au sein d'une nature âpre, sur un domaine réduit à un champ miné par les Allemands et à une maison de maître qu'une bombe anglaise, non désamorcée, rend inhabitable, l'enfant doit réapprendre à vivre avec Claire, sa mère, dont il n'a reçu que de rares lettres lorsqu'il était interne. Très vite, le jeune garçon prend conscience qu'un mystère ronge le passé de sa famille. Qui hante les bois aux alentours de la maison? A qui appartient ce regard que l'enfant sent en permanence posé sur sa nuque ? Véritable thriller paysan, la Moisson d'hiver nous plonge dans un monde d'intrigues où la jalousie obsessionnelle pousse chacun aux pires extrémités et où les secrets de famille prennent la dimension d'une énigme policière.
 
Si Serge Brussolo aime mélanger les genres (science-fiction, fantastique, thriller et roman historique), « La Moisson d’Hiver » fait partie des romans les plus génériques de l’auteur. Et si ce roman est l'un des préférés de Serge Brussolo, il pourrait tout de même dérouter les fans des genres mentionnés précédemment dans la mesure où ce roman tient plus du suspense psychologique paysan qu’autre chose, avec un petit côté vieillot et nostalgique. On y retrouve tout de même la patte de l’auteur dans ce huis clos normand en pleine déroute allemande à la fin de la deuxième guerre mondiale : folie, isolement, mensonge, manipulation, tromperie, faux-semblants, non-dits, haine, vengeance enfin bref il y a tous les ingrédients qu’il faut pour passer un agréable moment de lecture.


jeudi 8 avril 2010

Frida Kahlo y su mundo au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles




Portrait des portraits du Mexique, Frida Kahlo darde son regard troublant à travers le fonds du Museo Olmedo, la plus grande collection (privée) des oeuvres de l'artiste. Dix-neuf toiles, une eau-forte, six dessins et de nombreuses photographies témoignent de sa contribution magistrale aux mouvements symboliste et surréaliste. D'une vie aussi, d'emblée mise à rude épreuve. Victime à 17 ans d'un dramatique accident d'autobus, sa vie n'aura été qu'une suite d'interventions chirurgicales à une époque où la médecine tâtonnait. Plusieurs fausses couches et sa vie conjugale tumultueuse avec Diego Rivera, peintre majeur de la révolution, impriment à ses oeuvres une puissance et une beauté singulières. Entre élan de vie et pulsion de mort, rencontrez la vraie Frida.

Petite exposition au Bozar (26 œuvres, beaucoup de photos et une projection sur la vie de Frida et Diego) qui draine une grande foule vu la renommée de l'artiste. D'où une sensation d'étouffement lorsque tout le monde se presse pour voir les œuvres en question. Une salle petite et trop sombre aussi, qui rend bien difficile la lecture des commentaires fournis dans un petit dépliant avec le prix d'entrée. Mais les œuvres valent le déplacement, bien évidemment !










Du 16 janvier 2010 au 18 avril 2010