vendredi 19 mars 2010

Le bouc émissaire de Daphné du Maurier

Quatrième de couverture

L’un s'appelle John, l'autre jean. Le premier est un Anglais professeur d'histoire à Londres, le second est le très normand comte de Gué, châtelain de Saint-Gilles - mais, placés côte à côte, on les prendrait pour des frères jumeaux. Est-ce cette ressemblance constatée lors de leur rencontre fortuite au Mans qui donne à Jean de Gué l'idée de droguer son sosie et de partir avec ses vêtements, ses papiers et sa voiture ? S'éveillant le lendemain assez mal en point, John se voit placé devant l'alternative de porter plainte ou de se substituer au comte. Machinalement, persuadé que l'imposture sera aussitôt démasquée, il se laisse conduire à Saint-Gilles par le chauffeur venu chercher son maître. Mais chacun l'accueille avec le plus parfait naturel, et John sympathise avec cette famille tombée du ciel, lui qui est seul au monde et en plein désarroi. Assumer au pied levé le rôle d'un inconnu se révèle vite une tâche que rend périlleuse tout ce que la situation léguée par le comte à son « bouc émissaire » recèle de tragique sous le masque du quotidien.

Daphné du Maurier est une romancière britannique (1907-1989) dont les romans et nouvelles furent adaptés à multiples reprises par le réalisateur Alfred Hitchcock (« Les oiseaux », « Rebecca » et « L’auberge de la Jamaïque »).

« Le bouc émissaire », écrit en 1957, aurait pu séduire une fois de plus le réalisateur tant la substitution d’identité et la rencontre avec son double, thèmes hitchcockiens par excellence, occupent la place centrale de l’intrigue. Outre la question de l’identité et la confrontation du bien et du mal, Daphné du Maurier explore la complexité des rapports des membres d’une famille retirée dans un château isolé. Un huis clos malsain où de nombreux non-dits, manipulations, dominations, jalousies, rancoeurs et sombres secrets hantent depuis des années chaque occupant du château.

John l’anglais, qui se voit contraint et forcé par son double Jean le français d’usurper la place du maître des lieux, se prend au jeu de la substitution et décide de lever un à un les voiles noirs sous lesquels se dissimule chaque habitant de la demeure. Et si son imposture pouvait aider les occupants du château en redistribuant les cartes du destin ? Dans une tentative de rédemption, John l’anglais parviendra-t-il à percer tous les mystères sans dévoiler la supercherie de l’usurpation d’identité ? Et qu’adviendra-t-il lorsque son double voudra reprendre possession des lieux suite à un héritage inopiné ?

Daphné du Maurier distille une ambiance inquiétante dans ce jeu malsain et périlleux qu’est la substitution d’identité. Et si John l’anglais semble perdu et au désespoir au début du récit, le fait de rencontrer son double (aussi ressemblant physiquement que dissemblable psychiquement), loin de menacer son identité, lui offrira au contraire l’occasion de se révéler à lui-même. Comme s’il fallait parfois se confronter à son double, sa part sombre dans le miroir, pour mieux comprendre qui on est vraiment…


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire