mercredi 6 août 2008

Porteurs d'âmes de Pierre Bordage

Quel est le point commun entre Léonie, achetée enfant au Libéria, séquestrée et prostituée avant de s’enfuir à vingt ans pour se retrouver clandestine et sans papier dans les rues de Paris - Edmé, inspecteur qui découvre un épouvantable charnier dans la Marne – Cyrian, fils de bonne famille, étudiant à l’Ecole européenne supérieure des Sciences et nouveau venu dans la confrérie estudiantine aux allures d’organisations secrètes appelée « les Titans » ?

L’existence du translateur, une machine à transférer les âmes, secret jalousement gardé par les membres de la confrérie des Titans. Quel est ce groupuscule aux multiples tentacules, présent à toutes les sphères du pouvoir ? Quelle portée une telle invention pourrait-elle apporter au monde ? Pouvoir transférer son âme dans un autre corps aurait de multiples conséquences : immortalité de l’âme, nouveau outil d’espionnage, autant de raisons pour ne pas ébruiter l’invention, jusqu’ici destinée aux seuls membres huppés de la confrérie en mal de sensations fortes qui se payent un voyage de quatre jours dans un autre corps comme d’autres se payeraient un voyage spatial.

Mais comment choisir ces corps sans divulguer ce secret ? En remettant une somme rondelette aux mendiants, clandestins et autres paumés de la ville en échange d’une soi-disant expérience médicale d’une durée de quatre jours. Léonie, femme dans le besoin depuis qu’elle s’est enfuie, sera l’un de ces vaisseaux humains qu’empruntera Cyrian au cours de son deuxième voyage corporel. Lorsque Léonie sera récupérée par ses geôliers et que les possibilités de Cyrian pour réincorporer son enveloppe se réduisent comme peau de chagrin, il ne reste qu’une seule chose à faire : se dévoiler complètement en tant que passager du vaisseau corporel et devenir la seconde voix du corps porteur…

Roman d’anticipation doublé d’un thriller polyphonique dans lequel nous accompagnons ces trois personnages avec beaucoup de plaisir, sur un rythme alerte qui ne connaît pas de temps mort, au style fluide et efficace, Pierre Bordage délaisse les implications qu’aurait une telle découverte scientifique pour mieux explorer les sensations et émotions engendrées lorsqu’une âme s’immisce dans un corps étranger. Ou comment notre personnalité et notre façon d’envisager la vie se trouvent bousculées lorsque nous voyons à travers les yeux mais également les souvenirs, ressentis, perceptions d’une personne totalement à l’opposé de soi.

Au fond, ce roman est avant tout un plaidoyer pour la tolérance et l’acceptation de la différence : critique de notre société qui prône l’exclusion et le repli sur soi en nous faisant découvrir la vie des sans-papiers et des laissés pour comptes alors que la richesse serait à portée de main si nous prenions la peine de lever nos barrières pour oser aller à la rencontre de l’autre.

A noter, l’auteur termine ce roman en laissant présager une suite probable… à suivre donc.


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