mardi 30 juin 2015

Bilan du mois de juin 2015


Films


* * * *
Loin de la foule déchainée (Far from the Madding Crowd, 2015) de Thomas Vinterberg
The Farewell Party (2014) de Sharon Maymon et Tal Granit
Valley of Love (2014) de Guillaume Nicloux
La Maison du diable ((The Haunting, 1963) de Robert Wise 
Charade (1963) de Stanley Donen
Le Procès (1962) de Orson Welles  
Les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse (The Four Horsemen of the Apocalypse, 1961) de Vincente Minnelli
La Ruée vers l'Ouest (Cimarron, 1960) de Anthony Mann 
Drôle de frimousse (Funny Face, 1957) de Stanley Donen


* * *
L'Astragale (2015) de Brigitte Sy
Je suis mort mais j'ai des amis (2015) de Guillaume et Stéphane Malandrin
Une seconde mère (Que Horas Ela Volta ?, 2015) de Anna Muylaert


* * (*)
La sanction (The Eiger Sanction, 1975) de Clint Eastwood
L'Abominable Docteur Phibes (The Abominable Dr. Phibes, 1972) de Robert Fuest 
Un shérif à New York (Coogan's Bluff, 1968) de Don Siegel


* *
Les Enquêtes du Département V : Profanation (2015) de Mikkel Norgaard
Elephant Song (2014) de Charles Binamé
Truman Capote (2006) de Bennett Miller


Romans/Nouvelles


* * * * 
L'Œuvre de Dieu, la part du Diable (The Cider House Rules, 1985) de John Irving 
Nouvelle : Le Bal (1930) d'Irène Némirovsky 
Visages noyés (Faces in the Water, 1961) de Janet Frame


* * *
Miniaturiste (The Miniaturist, 2015) de Jessie Burton
Les amants papillons (As the Earth Turns Silver, 2009) de Alison Wong
Le Jardin de ciment (The Cement Garden, 1978) de Ian McEwan
La Bâtarde (1964) de Violette Leduc


Documentaire


* * *
Citizenfour (2014) de Laura Poitras



Expositions


* * * *
Au temps de Klimt, la Sécession à Vienne à la Pinacothèque de Paris
Pierre Bonnard. Peindre l'Arcadie au Musée d'Orsay 
Rétrospective Marc Chagall aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique 


* * *
Velázquez au Grand Palais
Les Tudors au Musée du Luxembourg


samedi 27 juin 2015

Je suis mort mais j'ai des amis de Guillaume et Stéphane Malandrin

Synopsis

A la veille de leur départ pour leur première tournée en Californie, trois amis rockers se retrouvent confrontés au décès absurde de Jipé, le leader de leur groupe. Parce que l'amitié est plus forte que tout, ils décident de mener à bien cette tournée tant espérée. Leur voyage prendra une direction pour le moins déroutante à l’apparition de l’amant de leur meilleur ami disparu… un pilote de l’armée de l’air moustachu !

Un road-movie tendre, absurde et déjanté, plein d’humour et d’ironie, des grands enfants en marge de la société qui n’ont jamais oublié leur rêve de jeunesse, même si la vie n’a sans doute pas été à la hauteur de leur espérance. Car il faut bien avouer que ce sont avant tout de magnifiques… loosers. 

Un film aussi sur le deuil et l’amitié, qui carbure à fond à l’énergie très rock’n’roll. Cerise sur la gâteau lorsque notre groupe déjà un peu perdu par la perte du chanteur se retrouve dans un bled totalement paumé du Grand Nord québécois, chez les Inuits. 

Un film enfin qui doit beaucoup à ses fabuleux acteurs. Bouli Lanners nous offre une nouvelle fois une interprétation de haut vol, et toute la rage et la colère qu’il exprime (souvent) dans ce film m’ont fait penser au jeu de Gérard Depardieu au meilleur de sa forme, une sorte de bulldozer plein de contradiction, d’humour et de tendresse. C’est également avec grand plaisir que j’ai retrouvé l’acteur néerlandophone Wim Willaert, que les français ont découvert dans "Quand la mer monte..." (2004) de Yolande Moreau et Gilles Porte (rappelez-vous, c’était le petit ami de Yolande, Dries le porteur de géants), et que j’ai revu dernièrement dans le très bon film "Offline" de Peter Monsaert (2012), que je conseille vivement en passant. S’il peine à trouver ses marques au début du film, tant je trouvais qu’il nous offrait un jeu en-deçà de ses prestations habituelles, Wim Willaert a su rapidement trouver sa vitesse de croisière pour faire oublier ce petit faux départ. Les seconds rôles ne sont pas négligés non plus et sont très bien interprétés par les acteurs tels que Serge Riaboukine ou Lyes Salem (qui n’est autre que le réalisateur de L'Oranais). 

"Je suis mort mais j'ai des amis" des frères Malandrin est un film très sympathique et bourré de charme, qui ne se prend jamais au sérieux mais qui nous offre une bagatelle de personnages souvent drôles, parfois pathétiques mais aussi émouvants et finalement très attachants. 



Réalisateurs : Guillaume Malandrin, Stéphane Malandrin
Acteurs : Bouli Lanners, Wim Willaert, Lyes Salem, Serge Riaboukine
Origine : Belgique
Genre : Comédie
Année de production : 2015
Date de sortie en Belgique : 17/06/2015
Durée: 1h30

jeudi 25 juin 2015

L'astragale de Brigitte Sy

Synopsis

Albertine Sarrazin, 19 ans, a été emprisonnée pour un hold-up dans une boutique de vêtements. Une nuit, elle décide de s'évader et saute du mur de la prison. Dans sa chute, elle se casse un petit os du pied, l'astragale et rampe sur le bord de la route, où elle est secourue par Julien, un petit truand au cœur tendre. Il l'aide et la cache chez une amie à Paris et les deux tombent amoureux. Tandis que lui mène sa vie de malfrat en province, Albertine passe de planque en planque et se prostitue pour survivre tout en réapprenant à marcher dans les rues de Paris. Elle tient un journal intime pour tenir le coup et supporter l'absence de Julien, de plus en plus douloureuse…

J’avoue n’avoir jamais entendu parler d’Albertine Sarrazin avant ce film, ne connaissant ni son roman autobiographique (paru en 1965), ni sa première adaptation de Guy Casaril (1969). Je découvre donc cette femme étonnamment libre et insoumise sous les traits de l’actrice Leïla Bekhti, qui ne démérite pas pour donner vie à cette grande amoureuse d’un homme (joué par Reda Kateb, toujours aussi remarquable de justesse), le plus souvent absent et qu’elle ne cessera d’attendre avec fébrilité. Un film qui ne rend peut-être pas compte de toute la rage et la fougue incandescente d’une passion qui se cherche, aussi intense que frustrante, mais qui m’a totalement charmée par sa mise en scène pudique et ses belles images tournées dans un superbe noir et blanc des plus réussis. Un seul regret, l'absence totale de regret ou de remord manifesté pour le crime commis.  Mais ce n'était sans doute pas le sujet du film...


Réalisateur : Brigitte Sy
Acteurs: Leila Bekhti, Reda Kateb, Esther Garrel
Origine : France
Année de production : 2015
Date de sortie en Belgique  : 20/05/2015
Durée : 1h37

mardi 23 juin 2015

Le lecteur de cadavres d'Antonio Garrido - Parution Poche


Le lecteur de cadavres d'Antonio Garrido, dont je vous en avais dit le plus grand bien en septembre 2014, vient de paraître dernièrement en format Poche. L'occasion ou jamais de lire ce très bon roman historique et d'aventures, idéal pour les vacances.


Le Chinois Song Cí, issu du Moyen-âge asiatique, est considéré comme le premier médecin légiste de l’histoire. Si la vie de cet homme est à peu près inconnue, il nous a laissé une œuvre abondante et féconde de son art.

L’auteur Antonio Garrido va s’inspirer de ce personnage réel pour plonger le tout jeune Song Cí, à qui il arrive beaucoup de malheurs, dans une Chine Impériale haute en couleur et dans laquelle nous assisterons à une course de grillons truquée, au défi du dragon ou encore à une séance peu ragoutante de castration qui transformait – pour une somme modique – des petits indigents pleins de vie en de futurs eunuques de l’empereur, à moins de faire grossir les fosses des cimetières, tant la pratique était incertaine.

Nous y côtoierons également...suite du billet ici.

Le lecteur de cadavres d'Antonio Garrido, Éditions Le Livre de Poche, Collection  Policier / Thriller, 3 juin 2015, 768 pages.


dimanche 21 juin 2015

Le portrait chez Otto Dix (Part II)

1925, Portrait de la danseuse Anita Berber
Stuttgart, Staatgalerie Stuttgart

1926, Portrait de la journaliste Sylvia Von Harden
Paris, Musée National d'Art Moderne

1926, Portrait du marchand de tableaux Alfred Flechtheim
Berlin,  Nationalgalerie SMPK

1926, Portrait du philosophe Max Scheler
Cologne, Philosophische Fakultät der Universität Köln

1927, Nouveau-né sur des mains
Stuttgart, Staatgalerie Stuttgart

1928, Portrait de sa femme Martha Dix
Stuttgart, Staatgalerie Stuttgart

1932, Portrait de la chanteuse Elisabeth Stüntzner
Etats-Unis, Collection particulière


A découvrir également :

* La guerre chez Otto Dix 
* Le portrait chez Otto Dix (Part I) 
* Otto Dix, les autoportraits


vendredi 19 juin 2015

Le portrait chez Otto Dix (Part I)

Otto Dix (Untermhaus, près de Gera, 1891 – Singen, 1969) est un peintre et graveur allemand associé aux mouvements de l'expressionnisme et est un des fondateurs de la Nouvelle Objectivité. Fasciné par tous les aspects de la vie humaine et par les extrêmes, ses sujets de prédilection seront la guerre, la grande ville (avec son cortège de mutilés, de mendiants et de prostituées), la religion et le lien insoluble entre Éros et Thanatos. Il réalisera de nombreux portrait et autoportraits tout au long de sa vie. 

1921, Le Docteur Hans Koch
Cologne, Museum Ludwig


1921, Portrait de mes parents
Bâle,  Öffentliche Kunstammlung


1922, Le Docteur Paul Ferdinand Schmidt
Stuttgart, Staatgalerie Stuttgart


1922, Portrait du docteur Heinrich Stadelmann
Toronto, Art Gallery of Toronto


1923, Portrait du joaillier Karl Krall
Wuppertal, Von der Heydt-Museum


1924, Portrait de la marchande d'objets d'art Johanna Ey
Düsseldorf, Kunstmuseum Düsseldorf


1925, Nelly avec ses jouets
Vaduz, Fondation Otto Dix

A découvrir également :

* La guerre chez Otto Dix 
* Le portrait chez Otto Dix (Part II) 
* Otto Dix, les autoportraits

 


mercredi 17 juin 2015

L'oeuvre de Dieu, la part du Diable de John Irving

Quatrième de couverture

« Ici à Saint Cloud’s, nous n’avons qu’un seul problème. Il se nomme Homer Wells. Nous sommes parvenus à faire de l’orphelinat son foyer, et c’est cela le problème. » Dans l’orphelinat de Saint Cloud’s, l’excentrique Dr Larch officie de manière très spéciale. Il assure « l’œuvre de Dieu » en mettant au monde des enfants non désirés et réalise « la part du Diable » en pratiquant des avortements clandestins. Homer Welles, jeune orphelin et protégé de Wilbur Larch, ne se voit pas vivre ailleurs qu’à Saint Cloud’s. Auprès de ce dernier, il va apprendre le « métier » et peu à peu tracer son chemin en s’éloignant avec audace des plans du docteur.

N’ayant plus lu John Irving depuis « Je te retrouverai » (traduit en français en 2006 et lu en 2007), l’envie de revenir vers cet auteur me titillait depuis longtemps. Et c’est en tombant sur cette très belle édition Poche de la collection Signatures chez Points, incluant une préface inédite de Jean-Michel Guenassia, que je me suis laissée tenter par la lecture de ce livre assez épais (plus de 800 pages mais qui se lisent très facilement), considéré par beaucoup de lecteurs comme l’un de ses meilleurs romans*. Et ce n’est pas moi qui le contredirai, tant j’ai retrouvé tous les ingrédients des romans les plus réussis de John Irving : des personnages hauts en couleur et extrêmement attachants, une sexualité souvent peu satisfaisante mais n’empêchant aucunement les sentiments amoureux intenses et durables de s'épanouir, une culpabilité persistante qui n’exclue pas pour autant la possibilité de s’accomplir du mieux possible, et un humour jamais absent

Un des thèmes majeurs de John Irving, à savoir la paternité sous toutes ses formes possibles et imaginables, résonne également de manière très particulière tout au long de ce récit. Avec en toile de fond deux romans de Charles Dickens : David Copperfield et Les Grandes Espérances.  Dickens n'étant rien d'autre que l’auteur par excellence des petits orphelins et sans aucun doute un des pères spirituels de John Irving, qui lui rend ici un superbe hommage. Sans oublier le roman Jane Eyre de Charlotte Brontë, donné en lecture aux orphelines de Saint Cloud’s,  avant qu’elles ne s’endorment.

Mais le propre du roman est sans nul doute une défense ardente du droit des femmes à l’avortement, totalement illégal à l’époque du récit mais  constituant un sujet toujours aussi d’actualité de nos jours. Cité dans la préface, une interview de l’auteur : « Je suis convaincu que la résistance principale aux droits des femmes à l’avortement est fondé sur la conviction que des jeunes filles qui sont sexuellement actives et qui tombent enceintes doivent payer les conséquences. Il y a, derrière cette résistance au droit le plus strict, un état d’esprit punitif, critique et puritain. » Ou encore, à travers la voix du Dr Larch : « Comment peux-tu te sentir libre de refuser d’aider des êtres humains qui ne sont pas eux-mêmes libres d’obtenir d’autre aide que la tienne ? »

Il parait que John Irving a cité plusieurs fois ce roman comme étant son préféré, et ma foi cela ne m’étonnerait guère tant il distille toutes les préoccupations de l’auteur avec tellement d’humanité, d’empathie et de générosité. Et je dois bien avouer que John Irving m’a encore complètement cueillie sur la fin, tant je n’ai pas pu m’empêcher de verser de grosses larmes sur le destin de nos héros, et plus particulièrement sur celui de Melony, cette mastodonte tellement pleine de colère mais d’une fidélité finalement exemplaire.

Un grand coup de cœur !

* L'âge d'or du romancier étant habituellement situé entre 1978 et 1989, avec chronologiquement Le Monde selon Garp (The World According to Garp, 1978), L'Hôtel New Hampshire (The Hotel New Hampshire, 1981), L'Œuvre de Dieu, la part du Diable  et Une prière pour Owen (A Prayer for Owen Meany, 1989).

Ce roman a été adapté par Lasse Hallström et a obtenu deux Oscars, dont celui du Meilleur scénario adapté pour John Irving. 

☆☆☆☆☆

L'oeuvre de Dieu, la part du Diable (The Cider House Rules, 1985) de John Irving, Jean-Michel Guenassia (Préface), Françoise Casaril (Traduction), Guy Casaril (Traduction),  Éditions Points Collection Points Signatures, 11 septembre 2014, 821 pages



lundi 15 juin 2015

The Farewell Party de Sharon Maymon et Tal Granit


Synopsis

Un groupe d’amis vivant dans une maison de retraite mettent au point une machine artisanale qui permet de mettre fin à la vie, afin d’aider un des leurs à apaiser ses souffrances. Des rumeurs commencent à se répandre sur l’existence de cette machine et ces artisans inventeurs doivent faire face à un dilemme émotionnel…


Si le droit de mourir sans acharnement thérapeutique avait déjà été abordé au cinéma, c’est bien la première fois que je le vois traiter sous le prisme d’un humour salvateur des plus bienvenus pour dédramatiser quelque peu un sujet des plus graves et délicats qui soit. Car il faut bien avouer que les sujets évoqués, comme la vieillesse, le dépérissement, la maladie et l’euthanasie, ne sont pas des plus sexy ni des plus racoleurs pour attirer le spectateur. Et pourtant il aurait tort de passer à côté de cette comédie dramatique où l’amitié, l’amour, et même la sexualité (et plus particulièrement l’homosexualité) se font la part belle. Un film tendre, sensible et bourré de charme, au ton drôle et décalé malgré la gravité du sujet. Une belle réussite pour une ode à la liberté de (bien) vivre et de choisir de mourir dans la dignité. Notons enfin l’interprétation remarquable des acteurs, la plupart méconnus chez nous mais certainement hautement appréciés en Israël.


Titre original : The Farewell Party
Réalisateurs : Sharon Maymon, Tal Granit
Acteurs : Ze'ev Revach, Ilan Dar, Levana Finkelstein, Hanna Rieber, Aliza Rosen
Origine : Israël
Genre : Comédie dramatique
Année de production : 2014
Date de sortie en Belgique : 13/05/2015
Durée : 1h33

vendredi 12 juin 2015

Visages noyés de Janet Frame

 Citations :

[p. 123] Il est un aspect de la folie qu’on mentionne rarement dans les romans car il porterait atteinte à l’idée romantique que les gens se font des fous. Ils les considèrent en effet comme des êtres dont les discours offrent de prime abord un attrait poétique. Mais la réalité ressemble rarement à la douce lamentation qu’une Ophélie déclame sur un ton monocorde ou aux extravagances verbales que les auteurs en mal de poésie prêtent à quelque Jeanne la Folle. Le goût populaire aurait rarement considéré comme des héroïnes acceptables les femmes qui erraient sans but dans la salle de jour. Bien peu appartenaient à cette catégorie de charmantes toquées qui se laissent aller sans retenue à leurs excentricités. Dans l’ensemble, elles provoquaient surtout de l’irritation, de l’hostilité et de l’impatience. Devant elles, on se sentait honteux et embarrassé. Elles pleuraient et gémissaient. Elles se disputaient et se lamentaient. Leur folie était un fléau et on la traitait comme telle. On oubliait qu’elles possédaient une âme, cette âme humaine dont on fait tant de cas et qui a besoin pour s’épanouir de tant d’attentions et d’amour. On oubliait même qu’il était possible d’extraire de ce marécage humain une toute petite goutte de poésie.


[p. 139] Quand il s’agissait de mon aventure personnelle, je prétendais que c’était vraiment par malchance que je m’étais retrouvée à l’asile, au milieu de femmes qui, elles, étaient de « vraies » malades. L’image que je donnais de moi comme d’un être sain d’esprit, pris malgré lui dans le tourniquet de la folie alors que rien ne justifiait sa présence dans les parages d’un hôpital psychiatrique, m’aidait à soigner mes blessures d’amour-propre et à calmer l’inquiétude très réelle et très vive de mes parents.
[p. 262] Je quittai la pièce et je compris que je n’aurais jamais le droit de rester près de l’évier pour tenter de surprendre les secrets des Dieux. Toute conversation est un mur que nous élevons entre les autres et nous, et trop souvent les mots que nous employons ressemblent à de vieux tessons de bouteilles encastrés dans un mur. De loin, quand ils reflètent le soleil, on les prend pour des pierres précieuses. 
[p. 277] Me changerai-je en nuage ? Oui, je savais que ma famille m’accueillerait et que le monde m’ouvrirait ses bras, tel un de ces monstres de science-fiction au corps hérissé de pointes de fer qui serrent leurs victimes contre eux pour les tuer. 

Quatrième de couverture :

Visages noyés est un roman aussi vaste, profond et inattendu que la folie elle-même. Il y est décrit l'enfermement dans des hôpitaux psychiatriques mais aussi la peur des " gens normaux " vis-à-vis des " fous " et les chemins qu'emprunte cette frayeur pour punir et bannir ceux qui se rebellent et qui ne se défendent de la cruelle réalité du monde qu'en recréant leur propre univers.








Mon avis :

Célèbre dans son pays, l’écrivaine néo-zélandaise Janet Frame (1924 – 2004) s’est fait principalement connaître chez nous par l’intermédiaire de l’adaptation de sa trilogie autobiographique, intitulée Un ange à ma table et réalisée par Jane Campion.

Après avoir lu la dite trilogie, on ne peut d’ailleurs que féliciter Jane Campion et sa scénariste Laura Jones pour avoir effectué une très bonne adaptation, qui tout en privilégiant certains épisodes par rapport à d’autres, demeure d’une grande fidélité aux écrits de Janet Frame.

Mais un épisode de la vie de Janet Frame m’avait particulièrement intriguée, celui concernant son internement psychiatrique, comportant de nombreuses ellipses et laissant planer de multiples zones d’ombre. Rappelons que cette dernière a été internée pendant huit années en milieu psychiatrique et qu’elle a subi quelques deux cents électrochocs, tout en évitant de peu la lobotomie (une opération en vogue à cette époque). Si le film et l’autobiographie de Janet Frame laissent entendre qu’elle avait fait l’objet d’un mauvais diagnostic (elle ne serait pas schizophrène et son internement serait donc principalement imputable à cette erreur d’estimation), j’avais tout de même des difficultés à accepter le fait qu’on puisse être interné autant de temps en asile  psychiatrique sans autre raison que celle qui vient d’être évoquée, d'autant plus que des phases de rémission eurent lieu durant ce laps de temps (pendant lesquelles elle vécut en famille), suivies de près par des rechutes conséquentes et un retour en psychiatrie. 

A cet égard, ce roman (mais qui a tout d’une autobiographie) de Janet Frame apporte un éclairage des plus bienvenus pour mieux cerner cette période de sa vie. Si dans la première partie du récit, l’auteur traite principalement de l’enfermement et de la vie en milieu psychiatrique en érigeant comme une barrière mentale entre les malades et elle-même (les folles, ce sont les autres), nous abordons un moment charnière du roman à mi-parcours (voir à ce propos la citation de la page 139) où l’auteur admet que tout n’est sans doute pas aussi simple que cela. Et Janet Frame nous livre peu à peu quelques éléments bien plus personnels, dans lesquels des épisodes composés d’angoisses morbides, de délires et autres hallucinations, accompagnés d’une certaine agitation et de violence (notamment à son encontre) ne font pas défaut. Un exercice de reconnaissance bien difficile pour Janet Frame, qui à défaut de faire partie de son autobiographie, sera abordé à un moment donné par le biais de cette pseudo-fiction. Comme s'il fallait au moins cette distance-là pour lever quelque peu le voile sur ces moments d'extrême solitude de la maladie mentale.

Si « Visages noyés » apporte un éclairage essentiel sur la vie de Janet Frame, il est tout aussi remarquable par son observation tout en finesse et en sensibilité  de la souffrance humaine au cœur de l’asile psychiatrique. Un ouvrage que je recommande donc fortement aux lecteurs intéressés par ce sujet.

Lire également l'avis de Thierry Collet du blog Cetalir.


☆☆☆☆☆


Visages noyés (Faces in the Water, 1961), traduction de Solange Lecomte, Éditions du Seuil, Paris, 1963 ; réédité sous le titre Visages noyés, Éditions Joëlle Losfeld, 1996, 288 pages.

Ce livre est paru en Poche chez l’Éditeur Rivages / Bibliothèque étrangère, Paris 2004, 320 pages

A découvrir également :

Un ange à ma table de Jane Campion


jeudi 11 juin 2015

Rétrospective Chagall aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique


Présentation de la rétrospective
Si les grands thèmes chers à Chagall seront évidemment abordés, comme la culture juive, l’iconographie du village juif ou encore les traditions populaires, l’exposition se concentrera également sur sa rencontre avec la littérature du XVIIe siècle - et spécifiquement La Fontaine -, la découverte de la lumière et le traitement de la couleur. Un écho particulier sera donné à la période russe de l’artiste, au moment où son style si personnel le distingue d’un courant artistique  imprégné par la révolution cubiste.
 28.02 > 28.06.2015

Une très belle exposition qui présente plus de deux cents œuvres de l'artiste, en provenance du monde entier.  N'hésitez à à vous y rendre accompagné d'un guide, tant il ne sera pas de trop pour vous parler de la vie de ce peintre, ses influences, ses amours, son parcours artistique, ses symboles récurrents... afin de mieux comprendre ses tableaux d'une grande beauté poétique.

Adam et Eve, 1912
Saint Louis, Saint Louis Art Museum

Au-dessus de Vitebsk, 1914

Le Juif en prière, 1914
Venise, Museo d'Arte Moderna

Les Amoureux en bleu, 1914
Saint-Pétersbourg, Collection particulière

L'anniversaire, 1915
New York, Museum of Modern Art

Le juif en rouge, 1915
Saint-Pétersbourg, Musée russe

Le Poète allongé, 1915
Londres, Collection The Trustees of the Tate Gallery

Le Coq, 1929
Lugano-Castagnola, Collection Thyssen-Bornemisza

Le Nu au  dessus de Vitebsk, 1933

1946, La Vache à l'ombrelle, 1946
New York, Collection Richard S.  Zeisler

La chute de l'ange, 1947
Bâle, Kunstmuseum