dimanche 18 janvier 2015

L'homme qui rit de Paul Leni


Nous sommes en Angleterre, à la fin du XVIIe siècle. Le roi Jacques fait exécuter son ennemi Lord Clancharlie et vend son jeune fils aux trafiquants d'enfants. Le jeune Gwynplaine, défiguré au visage suite à la bouche fendue par un coup de couteau,  parvient à s'enfuir et trouve sur son chemin un bébé aveugle qu’il sauvera du froid. Le petite Dea et lui-même seront bientôt recueillis par le forain Ursus. Gwynplaine, amoureux de la belle Dea, est devenu un célèbre comédien ambulant sous le nom de "L'Homme qui rit".  Au cours d'un spectrale, le bouffon Barkilphedro découvre son ascendance noble et la dévoile à la reine Anne, qui a succédé au roi Jacques...

Paul Leni réalise en 1928 cette excellente adaptation de L’homme qui rit de Victor Hugo. Ce réalisateur allemand, né en 1885 à Stuttgart et décédé en 1929 à Los Angeles, est aujourd’hui un peu tombé dans l’oubli. S’il se destinait dans un premier temps à la peinture et avait participé activement au mouvement pictural d’avant-garde Der Sturm (berceau de l’expressionnisme des arts plastiques), il prendra goût à la décoration théâtrale et cinématographique tout en travaillant également comme dessinateur de costumes et concepteur d’affiches de cinéma, avant de devenir réalisateur en 1916. Remarqué par Carl Laemmle (patron des studios Universal), grâce à son film le Cabinet des figures de cire tourné en 1924, Paul Leni est invité à se rendre aux États-Unis. Il y tournera quatre longs-métrages dont cette adaptation de L’homme qui rit, qui sera son avant-dernier film mais également l’unique film de sa période américaine à reprendre quelques ingrédients de l’expressionnisme. Il mourra prématurément à l’âge de quarante-quatre ans.

L’homme qui rit (The Man Who Laughs) est un film de commande dans la mesure où les studios Universal souhaitaient renouveler le succès obtenu par l’adaptation de Notre-Dame de Paris, réalisé par Wallace Worsley. Le film recevra donc un budget conséquent et pourra compter sur les stars de l’époque, dont l’excellentissime Conrad Veidt (déjà mentionné dans mon billet sur Les Mains d’Orlac de Robert Wiene). 

Si certaines séquences de trucage peuvent prêter à rire aujourd’hui (difficile de simuler l’attaque d’un chien qui vous saute à la gorge avec une sorte d’animal empaillé aussi rigide que statufié), c’est surtout le visage de Gwynplaine (Conrad Veidt) qui impressionne toujours autant, et on découvre avec stupéfaction que c’est tout simplement ce personnage qui a servi de source d’inspiration aux dessinateurs du maléfique Joker, apparu pour la première fois dans Batman.

Réflexion sur les apparences trompeuses, la marginalité, les jeux de masque, la différence de classes et les mœurs dissolues du monde politique, j’ai été séduite par cette adaptation dramatique même si parfois exagérément romantique. Les studios imposèrent malheureusement un happy-end, contrairement à la volonté initiale du réalisateur et contrastant également avec l’œuvre de Victor Hugo. Quoi qu’il en soit, une œuvre qui mérite vraiment d’être redécouverte, pour peu que vous appréciez le cinéma muet.




Titre original : The man who laughs
Réalisateur : Paul Leni
Acteurs : Conrad Veidt, Mary Philbin
Origine : États-Unis
Genre : Comédie dramatique
Public : Tout public
Année de production : 1927
Durée : 1h49

A découvrir également :

* Les Mains d'Orlac de Robert Wiene
* Docteur Mabuse de Fritz Lang
* Double assassinat dans la rue Morgue de Robert Florey

2 commentaires:

  1. Bonjour Sentinelle. Hum... découvrir ce film, c'est tentant ! Surtout que j'ai très envie de mieux connaître le cinéma muet. Je trouve assez dingue que, comme Murnau, ce réalisateur ait été invité aux States et que, comme Murnau, il soit mort prématurément !

    As-tu vu la dernière version de "L'homme qui rit", signée du réalisateur français Jean-Pierre Améris ? Malgré un côté un peu grandiloquent peut-être, c'est un film pour lequel j'ai une certaine affection.

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    1. Bonsoir Martin,

      J’apprécie également le cinéma muet, notamment la poésie qui s’en dégage. Mais je constate que mes choix s’orientent le plus souvent vers des réalisateurs d’origine germanophone, ce qui n’est sans doute pas un hasard. Encore dernièrement avec Les Rapaces d'Erich Von Stroheim, mais j’y reviendrai bientôt.

      Oui, j’ai vu au cinéma L’homme qui rit de Jean-Pierre Améris, et comme toi j’ai été charmée par ce film. Je compte par ailleurs lire prochainement ce roman de Victor Hugo, histoire de revenir aux sources ;-)

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