samedi 13 décembre 2014

Fouché de Stefan Zweig

Stefan Zweig est un excellent biographe et nous le prouve une fois de plus avec cet essai sur Fouché, qui se révèle très intéressant de bout en bout. 

Joseph Fouché, l’un des hommes les plus puissants de son époque, était également l’un des moins aimés par ses contemporains, qui n’ont pas hésité à tremper leur plume dans le fiel pour décrire cet homme arriviste, intrigant, méprisant et secret. Ainsi Talleyrand, qui dira de lui : « M. Fouché méprise les hommes, sans doute cet homme s’est-il beaucoup étudié ». Fouché ne se privera pas de railler à son tour Talleyrand, lorsque ce dernier sera nommé vice-chancelier : « Il ne lui manquait que ce vice-là ». 

Peu de sympathie donc pour cet homme, qui n’a cessé au cours de sa vie de retourner sa veste (toujours du bon côté comme dirait l'autre). Ancien professeur de mathématiques de l’Oratoire, Fouché sera tour à tour premier socialiste et communiste de la Révolution, mitrailleur de Lyon et pilleur d’églises, ami de l’anarchiste Babeuf, ministre de la Police de la République française, avant d’être le plus grand propriétaire foncier du pays lorsqu’il deviendra le duc d’Otrante. Un homme qui aura prêté le serment de fidélité la première fois au gouvernement Royal, la deuxième à la République, la troisième au Directoire, la quatrième au Consulat, ensuite à l’Empire et enfin à la Monarchie. Excusez du peu ! 

Seul Balzac parlera de Fouché en tant que grand homme de son temps, lui reconnaissant une des personnalités les plus intéressantes de son siècle, et dont il dira qu’il a « possédé plus de puissance sur les hommes que Napoléon lui-même ». Mais contrairement à un Napoléon ou un Robespierre, qui prenaient toute la lumière au point de tomber de très haut à la fin de leur vie politique, Fouché a toujours demeuré dans l’ombre, passant sa vie à tirer les ficelles dans les coulisses. Derrière le voile anonyme de ses fonctions, Fouché a toujours évité de se lier entièrement et irrévocablement à quelqu’un ou quelque chose, se ménageant ainsi toujours une porte de sortie en n’ayant aucun scrupule de passer dans le camp adverse au moment adéquat. Cette façon de se réfugier dans le camp vainqueur sera le grand secret de sa  longévité, lui qui aura su développer le grand art de la dissimulation et de la maîtrise dans l’observation et la connaissance des hommes. Là où les gouvernements, la forme de l’État, les idées, les partis et les hommes changeaient et disparaissaient dans le tourbillon furieux de la fin de siècle, Joseph Fouché demeurait, quel que soit le maître ou le régime du moment. Un spécialiste du volte-face d’une impudeur incroyable, qui à défaut d’attirer la sympathie, suscitera un certain respect chez Stefan Zweig. 

Fouché connaîtra malgré tout quelques périodes d’exils au cours de son existence et ses multiples reconversions finiront bien par le rattraper à la fin de sa carrière politique  mais cela, je vous laisse le découvrir en lisant cette riche et captivante biographie romancée de cet homme de l’ombre.

Note : 5/5


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