dimanche 30 novembre 2014

Abbott Handerson Thayer

Abbott Handerson Thayer (Boston, 1849 – 1921) est un peintre américain. Il était l'un des artistes les plus connus aux États-Unis pendant les années 1890 et ses tableaux sont souvent représentés dans les grandes collections d'art américains. Son art est souvent inspiré de la Renaissance et de l'Antiquité classique italienne. Ses tableaux représentent des idéaux comme la vertu, la beauté et la vérité. Et j'ajouterai une pointe de mélancolie et de résignation dans le regard.















samedi 29 novembre 2014

L'Europe des écrivains - la Turquie (reportage)

Mustafa Kemal (Salonique, 1881 – Istanbul, 1938) a proclamé la République de Turquie sur les ruines de l’Empire Ottoman. Il a complétement réinventé la société turque : développement de la laïcité des institutions, mise en place du code civil et du droit de vote pour les femmes, remplacement de l’alphabet arabe par l’alphabet latin et suppression pure et simple de nombreux mots issus de  l'arabe ou d'origine perse. Un pays qui s’est véritablement modernisé à marche forcée. En 1938, à la mort de Kemal, les gouvernements se succèdent mais ne parviennent pas à garantir la stabilité du pays, qui s’enfonce dans la violence et le chaos : crises économiques chroniques, inflation et chômage de masse. C’est la guerre froide, qui oppose la droite nationaliste et la gauche radicale. L’armée, soutenant les valeurs kemalistes, intervient régulièrement et engendre trois coups d’État (1960, 71 et 80), écrasant brutalement les gauchistes. Les fractures se sont creusées au cours des années 90 : fractures ethniques, fractures identitaires, interdiction des partis musulmans. Le port du foulard islamique devient un enjeu politique majeur dans ce contexte. 

En 2002, une page de la Turquie se tourne : le parti de la justice et du développement ou AKP (parti de centre-droit) emporte les législatives et forme pour la première fois un gouvernement conservateur d’inspiration islamique. Des réformes sont mises en place, l’armée perd de son influence et l’économie progresse. Ce parti sera réélu en 2007 et 2011. Mais l’antagonisme demeure entre la culture militaire et la culture conservatrice, toutes deux par ailleurs aussi autoritaires l’une que l’autre. Aujourd’hui, la Turquie veut donner l’image d’un islam sunnite homogène, mais c’est sans tenir compte de 10 à 30 % de la population appartenant au mouvement aléviste (issu en partie de l'islam chiite, tout en introduisant des éléments chamanistes et soufies, voire chrétiens et même judaïques). Toute une partie de la population, dont la jeunesse, exprime depuis quelques mois leur colère envers un gouvernement trop conservateur et veulent faire entendre leurs revendications, dont celle d’un plus grand espace de liberté. 

Trois écrivains radiographient l’âme de la Turquie, située aux confins de l’Europe et au seuil de l’Asie mais n’appartenant ni à l’une ni à l’autre.

Sema Kaygusuz (née à Samsun en 1972) est d’origine juive, kurde et alévie. Son œuvre résonne de cet héritage mêlé et des légendes orales et autres contes mystiques. Elle reproche au gouvernement d’avoir mis à l’écart les religions non-musulmanes ou les courants de l’Islam n’appartenant pas à l’Islam Sunnite. Tout le tissu social a été turquifié, alors que les différentes communautés vivaient plus en harmonie dans le passé. Sa grand-mère paternelle fut une rescapée du grand massacre de DERSIM en 1937. Cette répression brutale des kurdes révoltés contre le gouvernement d’Ankara et sa politique d’assimilation des minorités a conduit aux décès de plus de 15.000 personnes en une semaine. Un massacre qui est resté tabou pendant plus de 70 ans, comme ce fut le cas concernant le génocide des arméniens de l’Empire Ottoman. Aujourd’hui, cette reconnaissance est devenue un enjeu national et identitaire de la mémoire collective et la Turquie commence depuis quelques années à faire ce travail de reconnaissance. Pour Sema Kaygusuz, la Turquie est devenue un pays qui se rappelle.

Orhan Pamuk (né à Istanbul en 1952) regrette également la diminution du métissage de la population, beaucoup plus présent dans le passé. Il a la nostalgie du vieil Istanbul dans lequel déambulaient arméniens, grecs et juifs, même si on devine encore leur présence à travers les traces du passé dans la ville. Au début du 20e siècle, la moitié de la population d’Istanbul était musulmane. Aujourd’hui, le pourcentage s’élève à 99%. Il est opposé à cette construction de l’identité turque se basant sur le conservatisme, imposant une homogénéité qui ne tiendrait pas compte des réalités. Il y a de la place pour toutes les influences, qui peuvent se côtoyer sans conflit si seulement les politiciens n’attisaient pas les différences dans une perspective électorale. En 2005, l’auteur reconnait ouvertement la culpabilité de la Turquie dans les massacres kurdes et le génocide arménien, ce qui lui vaudra des poursuites sur le plan pénal, pour accusation d’outrage à l’identité turque. Il sera contraint de quitter le pays un certain temps et de vivre sous protection policière. Pour Orhan Pamuk, qui se proclame gauchiste intellectuel de la classe moyenne, le métier d’écrivain est de pouvoir capter la souffrance des gens différents de soi, en essayant de comprendre et non de rejeter le radicalisme et le fondamentalisme. Pour lui, l’art du roman repose sur une base humaine fondamentale qui est la compassion. L’avenir de la Turquie ne sera possible qu’avec davantage de compréhension entre les progressistes et les conservateurs.

Elif Shafak (née à Strasbourg de parents turcs en 1971) écrit parfois directement en anglais, ce qui lui sera sévèrement reproché par les nationalistes, qui l’accuse d’abandonner sa langue natale. Comme s’il fallait absolument choisir entre le turque et l’anglais. Comme la langue a été nationalisée, elle s’est fortement appauvrie puisque de nombreux mots anciens, d’origines diverses, ont été supprimés pour garantir la pureté de la langue. Elif Shafak continue toujours à utiliser les anciens mots pour enrichir son écriture et rejette absolument cette polarisation linguistique (langue ancienne contre langue moderne). Pour l’auteur, le grand problème de la Turquie est la question de l’identité. Qui sommes-nous ? Orientaux ? Occidentaux ? Pourquoi cette difficulté à conjuguer ces deux influences au lieu d’apprécier cette richesse ? Tout au long de la construction de l’État-nation, les identités minoritaires ont été différenciées et marginalisées or on doit apprendre à respecter l’autre, même si nous n’avons pas la même opinion que lui. Elif Shafak plaide pour la tolérance et le respect de la liberté d’expression et a le sentiment de se situer dans un entre-deux, sans jamais appartenir complètement à une catégorie ou une autre.


La Turquie d'Orhan Pamuk, Elif Shafak et Sema Kaygusuz - Collection L'Europe des écrivains
Réalisation : Mathilde Damoisel
Documentaire - 52 minutes
Coproducteur : Arte France


L’émission « L'Europe des écrivains : la Turquie » a été diffusée le 22/10/2014 sur Arte. Ce programme est toujours disponible en vidéo à la demande ou DVD.

A découvrir également :

* L'Europe des écrivains - la Suède
* L'Europe des écrivains - le Danemark


vendredi 28 novembre 2014

L'homme qu'on aimait trop de André Téchiné


Synopsis :

Nice, 1976. Agnès Le Roux, fille de la propriétaire du Palais de la Méditerranée, tombe amoureuse d’un bel avocat de dix ans son aîné Maurice Agnelet. Il a d’autres liaisons, elle l’aime à la folie. Sur fond de guerre des casinos, il la met en relation avec Fratoni, le sulfureux concurrent de sa mère, qui lui offre 3 millions de francs pour prendre le contrôle du casino. Agnès accepte mais supporte mal sa trahison. Maurice s’éloigne...

André Téchiné revient sur l’affaire Leroux, un fait divers qui avait défrayé la chronique dans les années 70 et qui n’a toujours pas été élucidée à ce jour : qu’est devenue Agnès Le Roux ? A-t-elle été assassinée par son amant ? Par la mafia ? Ou s’est-elle suicidée ? N’espérez pas trouver une réponse à cette question, tant le mystère restera entier. Puis l’intérêt est ailleurs semble nous dire le réalisateur...

J’ai eu dans un premier temps un peu de mal avec l’interprétation d’Adèle Haenel, trouvant que quelque chose sonnait faux dans son jeu, avant de m’apercevoir que c’était plutôt Agnès Le Roux qui était totalement en dissonance (avec son entourage mais également intérieurement) et que l’actrice semblait surtout avoir très bien saisi toute la tension et la psychologie de son personnage : une femme sombre, solitaire et renfermée,  qui sous ses apparences de grande sportive était surtout en manque d’amour et d’attention, malgré un vif désir de liberté et d'indépendance financière envers sa mère, avec laquelle elle avait développé une relation extrêmement ambivalente. Bref, la candidate idéale pour un homme à femmes, qui prendra les traits de Maurice Agnelet (Guillaume Canet), l’ancien avocat de sa mère.  Un homme qui n'avait pas vraiment les moyens de ses ambitions  et qui utilisera ses armes favorites, la  séduction et la manipulation, pour ferrer cette riche héritière.

J’ai trouvé la première partie du film vraiment intéressante, dans la mise en place des personnages, leurs évolutions et la progression de leurs attentes les uns par rapport aux autres. L'ambiguïté et la toxicité des relations entre les protagonistes, entachées par l’argent et le pouvoir. La trahison, la culpabilité  et la confusion des sentiments sont également très présents. La deuxième partie baisse un peu de niveau, parce que tout est sans doute dit, et qu’il ne nous reste plus qu’à assister à la chute et la déchéance d’Agnès. La dernière partie, celle du procès, était quant à elle plus dispensable si ce n’est qu’elle dévoile l'extrême froideur et l'arrogance de Maurice Agnelet. La scène de conversation qu'il a avec son fils dans un bistro est significative, car c'est le moment crucial où le fils se rend compte à quel point il est un homme cynique et insensible. Mais cette dernière partie rend surtout hommage à la mère d'Agnès (jouée par Catherine Deneuve), une femme qui a laissé sa santé et sa fortune pour retrouver celui qu'elle pense être l'assassin de sa fille.

Un film, qui à défaut d’être passionnant de bout en bout, se révèle honnête dans sa démarche et intéressant dans le portrait de cette femme-enfant interprétée intelligemment par Adèle Haenel, les autres acteurs (Catherine Deneuve et Guillaume Canet) n’étant pas en reste, loin s’en faut.

L'avis de Dasola.


Réalisateur : André Téchiné
Acteurs : Catherine Deneuve, Guillaume Canet, Adèle Haenel, Judith Chemla
Origine : France
Genre: Drame
Année de production: 2013
Date de sortie en Belgique : 23/07/2014
Durée: 1h56

jeudi 27 novembre 2014

Le Festival Cinéma Méditerranéen 2014


La 14ème édition du Festival Cinéma Méditerranéen, qui aura lieu du 5 au 12 décembre, fêtera cette année ses 25 ans d’existence. Il propose comme toujours le meilleur de la production cinématographique des pays du bassin Méditerranéen. Au programme : compétition internationale, inédits et best of des films de l’année, séances thématiques, documentaires et débats, courts métrages, rencontres avec les réalisateurs, producteurs et comédiens invités à présenter leur film.

Les films en compétition sont :

Barbarians de Ivan Ikić - Serbie - 2014

Luka, un adolescent en difficulté, apprend que son père, qu'il pensait disparu dans les conflits avec le Kosovo, est toujours en vie. Déchiré entre ses problèmes de famille, la pression de sa libération conditionnelle et son affection pour une fille qui ne veut pas de lui, Luka perd son sang-froid et agresse un joueur du club de foot local. Il est alors recherché par des personnes qui cherchent à se venger. Luka quitte la ville et rassemble ses forces pour rencontrer enfin son père qui l'a abandonné il y a des années.

Barbarians est un drame sur le passage à l'âge adulte dans un monde sans opportunités, portrait d'une génération perdue dans une société sans valeurs.


Carmina y amén de Paco León - Espagne - 2014

Après la mort inattendue de son mari, Carmina parvient à convaincre sa fille de garder le silence pendant au moins deux jours pour toucher sa prime salariale. Une fois le corps caché, elles feront tout leur possible pour que la situation ne soit pas découverte. Cette histoire grinçante est portée par des personnages humains et ponctuée de moments hilarants.


Le challat de Tunis de Kaouther Ben Hania - Tunisie - 2014

Un homme à moto, armé d’un rasoir, balafre les fesses des femmes qui arpentent les trottoirs de Tunis. On l’appelle le challat, "la lame". Fait divers, rumeur ou mise en scène politique, d’un quartier à l’autre, tout le monde en parle, mais personne ne l’a jamais vu. Dix ans plus tard, alors qu’avec le Printemps arabe les langues se délient, une jeune réalisatrice enquête pour élucider le mystère du Challat de Tunis.

Avec humour, Le challat de Tunis dresse le portrait d'une société tunisienne en pleine effervescence où le corps féminin reste un enjeu politique de taille. 

Ma chronique du film


Come to my Voice de Hüseyin Karabey - Turquie/France/Allemagne - 2014

Dans un village de montagne de Turquie, l’officier en chef a été informé que des villageois dissimuleraient des armes. Il annonce que tous les hommes vont être gardés en détention jusqu’à ce que leurs familles remettent les armes. Mais, d’après Berfê et Jiyan ces armes n’existent pas. Désespérées, la grand-mère et sa petite-fille entament un périple pour trouver une arme contre laquelle échanger Temo, fils et père des deux femmes.

Un road movie en forme de conte de fée, qui aborde la question kurde à travers l'épopée d'une grand-mère et de sa petite-fille.

La projection du Samedi 6/12 sera suivie d'une rencontre avec le réalisateur, Hüseyin Karabey.

Ma chronique du film.


Geronimo de Tony Gatlif - France - 2014 

Sud de la France. Dans la chaleur du mois d'août, Geronimo, une jeune éducatrice veille à apaiser les tensions entre les jeunes du quartier Saint-Pierre. Tout bascule quand Nil Terzi, une adolescente d'origine turque s'échappe de son mariage forcé pour retrouver son amoureux, Lucky Molina, un jeune gitan. Leur fuite met le feu aux poudres entre les deux clans. Lorsque l'affrontement éclate en joutes et « battles » musicales, Geronimo va tout tenter pour arrêter la folie qui embrase le quartier.

Sur une trame shakespearienne, un film à la Gatlif, tout de chorégraphie et de rythme endiablé.

La projection du 5 Décembre sera suivie d'un cocktail. Et à 20h00 et 22h30, découvrez la performance musicale rythmée et envoûtante de Bernard Orchestar.

Ma chronique du film.


Il capitale umano de Paolo Virzì - Italie - 2013 

Près du Lac de Côme en Italie, les familles de la richissime Carla Bernaschi et de Dino Robelli, agent immobilier au bord de la faillite, sont liées par une même obsession : l'argent. Un accident la veille de Noël va brutalement changer leurs destins.

Amour, ambition et infidélité sont au menu de cette comédie noire que Paolo Virzì a adaptée du livre américain de Stephen Amidon, « Human Capital ».

Ma chronique du film.


L'Oranais de Lyes Salem - France/Algérie - 2013

Durant les premières années euphoriques qui suivent l’indépendance, deux amis, Djaffar et Hamid, sont promis à un bel avenir dans une Algérie libre jusqu’au jour où la trahison les sépare.

La justesse du tournage, les décors, le jeu mesuré des acteurs, ... Autant d’ingrédients qui font de ce film une référence certaine du cinéma algérien.

La projection sera suivie d'un débat en collaboration avec l'asbl Les Amitiés belgo-algériennes - LABA


Three Windows and a Hanging de Isa Qosja - Kosovo/Allemagne - 2014

Dans un village traditionnel kosovar où la vie est progressivement reconstruite, l'institutrice, Lushe, donne une interview à une journaliste internationale. Pendant l'entrevue, Lushe admet qu'elle et trois autres femmes du village ont été violées par des soldats serbes. Lorsque les hommes du village découvrent que Lushe a parlé à la journaliste, ils entament une campagne de haine contre elle et son petit garçon.

Ce film aborde, avec retenue, le thème extrêmement émouvant du destin des femmes violées dans une société patriarcale rigide des Balkans.

La projection du Mercredi 10/12 sera suivie d'une rencontre avec le réalisateur, Isa Qosja.


Zero Motivation de Talya Lavie - Israël - 2014

Zohar et Daffi font leur service militaire dans une base militaire du sud d'Israël. Elles partagent un lit superposé et passent pratiquement tout leur temps ensemble. Daffi fait tout ce qu'elle peut pour être transférée à Tel Aviv. Mais Zohar, terrifiée par la possibilité de rester seule à la base sans sa meilleure amie, va essayer d'empêcher Daffi de partir.

A travers l'histoire de ces jeunes femmes soldats, Zero Motivation donne un aperçu tragi-comique de la société militaire israélienne.

Ma chronique du film.


Et encore beaucoup d'autres films, dont vous trouverez l'index ici.
Et pour toutes autres informations, je vous renvoie au site cinemamed 2014.

Le plus difficile sera encore de sélectionner les films que je vais voir. Je vais déjà privilégier les films suivis d'une rencontre avec le réalisateur ou les comédiens, car c'est finalement ce que je préfère dans les festivals.


La liste des films vus hors compétition, à découvrir également :

* Qui vive de Marianne Tardieu ****
* Loin des hommes de David Oelhoffen   *****

mercredi 26 novembre 2014

Le maître du jugement dernier de Leo Perutz

Quatrième de couverture

Tout commence dans la bonne société de Vienne, en 1909. Au cours d’un récital privé, on découvre le corps sans vie du célèbre acteur Eugen Bischoff. Les circonstances de sa mort sont pour le moins mystérieuses – suicide provoqué ou meurtre maquillé ? Les soupçons se portent bientôt sur le baron von Yosh, un homme froidement calculateur, étrangement rêveur et notoirement amoureux de Dina, l’épouse de Bischoff.
Mais l’enquête menée en secret par Solgrub, membre lui aussi du petit cercle, bascule soudain dans l’irrationnel le plus complet.



Une série de suicides inexplicables dans des circonstances similaires permet à Leo Perutz d’aborder différents genres littéraires que sont le roman psychologique, le roman à énigme, le fantastique mais aussi le roman mystique saupoudré d’un peu de terreurs et de maléfices. Un récit original qui se lit agréablement mais au final assez énigmatique tant on ne sait plus très bien à quelle explication se vouer. Entre réalité et imaginaire, mensonge et illusion, imposture et authenticité, l’auteur navigue et brouille les pistes tout en nous interrogeant sur la nature humaine mais aussi sur l’art créatif. Au lecteur de se forger sa propre opinion lors du dénouement final, qui peut finalement bien choisir la version qui lui sied le plus.


Présentation de l'auteur par la maison d'édition Zulma :

Exact contemporain de Kafka, né à Prague en 1882, Leo Perutz est un écrivain majeur du XXe siècle européen. Il commence à écrire en 1915, après une blessure qui le dispense de combattre. Il publie une douzaine de romans jusqu’en 1934, avec un succès grandissant. En 1938, suite à l’annexion de l’Autriche et à l’interdiction de La Neige de saint Pierre par les nazis, il s’exile à Tel-Aviv où il n’écrira plus jusqu’en 1953, date à laquelle il publie son dernier roman, La Nuit sous le pont de pierre. Leo Perutz meurt en 1957 en Autriche, près de Salzbourg. Après Le Maître du Jugement dernier – le roman de Perutz que Borges admirait entre tous – Zulma a choisi de rééditer La Troisième Balle. Suivra La Neige de saint Pierre, courant 2015. 


Le maître du jugement dernier de Leo Perutz,  Traduction de l’allemand par Jean-Claude Capèle, Éditions Zulma, Collection de poche Z/a, novembre 2014, 224 pages (édition originale : 1923)


Du même auteur, à découvrir également :

•    La troisième balle de Leo Perutz
•    La scène d'ouverture du roman La troisième balle de Leo Perutz (citation)
•    Le cavalier suédois de  Leo Perutz


mardi 25 novembre 2014

La littérature gothique est dans la Pléiade

Le Moine  de Dominik Moll

La Bibliothèque de la Pléiade de Gallimard vient de publier Frankenstein et autres romans gothiques. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une anthologie de cinq romans de genre gothique (genre littéraire né en en Angleterre au XVIIIe siècle), avec de nouvelles traductions.

Les cinq romans sont :

 Le château d’Otrante de Horace Walpole, 1764

L'auteur Horace Walpole (1717-1797), précurseur du roman noir, marquera de son influence de nombreux écrivains tels que Charles Robert Maturin  (Melmoth), Matthew Gregory Lewis (Le moine) et Ann Radcliffe (Les mystères d’Udolphe).

« Le Château d’Otrante », paru en 1764, connaîtra dès sa publication un très grand succès. Si nous le lisons encore à notre époque, c’est avant tout en tant que roman précurseur du genre gothique et non pour ses qualités littéraires. En effet, ce roman est plus...  suite du billet.


Vathek de William Beckford, 1782

Vathek est un roman gothique à thème orientaliste. Version romancée de la vie du calife Al-Wathiq, Vathek est la chronique de la chute d’un calife qui abjure l’islam pour s’engager, avec son allié Nouronihar, dans une suite d’activités licencieuses et déplorables destinées à lui acquérir des pouvoirs surnaturels. Au lieu d’accéder à ces pouvoirs, Vathek descend, à la fin du récit, dans l’enfer gouverné par le démon Eblis où il est condamné à errer sans fin et sans voix.
Source : wikipédia.


Le moine de Matthew Gregory Lewis, 1796

Le Mot de l'éditeur  : pour mettre en scène le combat d'une sainteté qui se défend contre les puissances des ténèbres, Matthew-G Lewis déploie, avec un art consommé de la gradation dans l'horrible, une multitude de récits d'une audace et d'une cruauté rares. Sade et Breton, entre autres, plaçaient très haut ce chef-d'œuvre du roman gothique, dont Antonin Artaud - qui en a réalisé une " copie " - disait : " Je continuerai à tenir pour une œuvre essentielle " Le Moine ", qui bouscule cette réalité à pleins bras, qui traîne devant moi des sorciers, des apparitions et des larves avec le naturel le plus parfait, et qui fait enfin du surnaturel une réalité comme les autres."



L’Italien ou Le Confessionnal des Pénitents noirs de Ann Radcliffe, 1797

L’histoire se passe à Naples, au XVIIIe siècle. Le comte Vivaldi tombe passionnément amoureux de la jeune et belle Elena. L’inégalité de leurs conditions est un obstacle mais Vivaldi ne renonce pas, malgré les prophéties d’un moine mystérieux et l’intervention de l’inquiétant Schedoni, le confesseur de sa mère. Elena est enlevée et Vivaldi retenu prisonnier. Pour se retrouver, ils vont vivre de multiples péripéties qui les mèneront dans des paysages fantomatiques et dans les prisons de l’Inquisition.  Source : Le journal Le Soir.



Frankenstein ou Le Prométhée moderne de Mary Shelley, 1818

Le Mot de l’Éditeur : " C'est alors que dans la lumière pâle de la lune tamisée par les persiennes, je contemplai le pauvre hère - le misérable monstre - que j'avais créé. Il avait soulevé le rideau de mon lit et ses yeux, s'il est permis de parler d'yeux, étaient fixés sur moi. Ses mâchoires s'ouvrirent et il proféra des sons inarticulés, tandis qu'un rictus déformait ses joues. Peut-être parla-t-il, mais je ne l'entendis pas. Il avait avancé une main, sans doute pour me retenir, mais je m'étais déjà enfui et je dévalais les escaliers. Je me réfugiai dans la cour de ma maison et j'y restai jusqu'au matin... J'écoutais de tout mon être, redoutant au moindre son de voir s'avancer le cadavre démoniaque auquel j'avais si misérablement donné la vie. " Publié en 1818, Frankenstein ou Le Prométhée moderne est considéré par beaucoup comme le premier véritable roman de science-fiction jamais écrit. Porté à l'écran à de nombreuses reprises, il demeure indissociable de l'interprétation qu'en donna Boris Karloff dans les années 30.


Extrait de l'interview d'Alain Morvan au journal Le Soir du 22-23 novembre 2014 :

Pourquoi le gothique est-il un phénomène anglais ?

Pour plusieurs raisons. Les Anglais ont d’abord toujours été un peuple de conteurs. Ensuite le théâtre élisabéthain assumait déjà la cruauté et la violence, voyez les pièces de Shakespeare, sanglantes, emplies de fantômes. Et puis les Anglais de l’époque voyagent sur le continent. Ils y découvrent des paysages de montagnes, fracturés, impressionnants, effrayants. Et ça correspond à l’évolution de l’idée de sublime, qui diverge de l’idée de beauté. La beauté est harmonie, régularité, équilibre alors que le sublime est disharmonie, rupture, de l’ordre de l’ineffable et du terrifiant. Le sublime nous séduit parce qu’il nous fait peur : séduction et peur sont des phénomènes de plus en plus conjoints. Et enfin l’éclosion de la poésie préromantique, une poésie de cimetière, avec cette mélancolie qui s’impose, une contemplation de la mort qui frôle parfois une certaine nécrophilie. Tout corps vivant annonce la corruption par les vers. Finalement entre la couche nuptiale et la tombe, il n’y a guère de différence.


Frankenstein et autres romans gothiques, Édition établie par Alain Morvan,  Gallimard La Pléiade,  1.440 p., 58 € jusqu’au 31 janvier 2015, 65 € ensuite.

lundi 24 novembre 2014

Photos du jour au Parc Josaphat de Schaerbeek, à Bruxelles








D'une vie à l'autre de Georg Maas


Katrine (Juliane Köhler) est une enfant de la guerre : née en Norvège d’une femme norvégienne et d’un soldat allemand pendant la seconde guerre mondiale, sa mère ( Liv Ullmann) sera contrainte de l’abandonner à sa naissance dans un orphelinat de l’ Allemagne de l’Est, les fameux Lebensborn. Ces centres nazis de sélection et de reproduction de la race aryenne, chargés de la germanisation de ces « orphelins » issus de couples mixtes, ont arraché de nombreux enfants à leurs mères, qui bien souvent ne les reverront jamais. Katrine aura plus de chance : parvenant à s’enfuir de la RDA après un long périple, elle rejoindra sa mère en Norvège, un pays dans lequel elle vivra heureuse pendant plus de vingt ans en compagnie de sa mère, mais aussi de son mari, sa fille et sa petite-fille. Jusqu’ au jour où le mur de Berlin tombe et que certains dossiers secrets de la RDA, qui a cessé d’exister, sont enfin dévoilés. Etrangement, Katrine refuse catégoriquement de témoigner dans un procès contre l'Etat norvégien au nom des enfants de la guerre. Mais les secrets refont surface, et l’étau se referme inexorablement sur Katrine …

Le réalisateur Georg Maas prend solidement appui sur des faits ayant réellement existé pour nous livrer un film intriguant de bout en bout et dans lequel les enjeux politiques et familiaux se mêlent étroitement. Un film qui lève le voile sur le destin de certains enfants Lebensborn, doublement maltraités par les Allemands. Sans trop vouloir dévoiler l’intrigue, sachez que ces enfants furent d’abord arrachés à leur mère à la fin de la guerre mais qu’ils seront ensuite manipulés de manière abjecte par la RDA dans les années 60.

Attention, si ce film se révèle prenant, il faut tout de même un peu s’accrocher tant l’histoire est complexe, l’utilisation de nombreux flashbacks n’aidant pas vraiment à faire le point dans la première demi-heure du film. Mais les pièces du puzzle se mettront progressivement en place, et la trame du thriller politique laisse peu à peu la place aux enjeux familiaux plus émotionnels : jeux de masques et de dupes, mensonges et secrets de famille, confusion d’identité.

D’une vie à l’autre de Georg Maas aborde la grande histoire en passant par l’intime et le relationnel d’une famille prise dans les soubresauts de la vie et les conséquences de la guerre des décennies plus tard. Ajoutons l’interprétation remarquable des deux actrices principales, qui apportent une grande véracité au propos du film.



Titre original : Zwei Leben
Réalisateur : Georg Maas
Acteurs : Juliane Köhler, Liv Ullmann, Sven Nordin, Ken Duken, Rainer Bock, Julia Bache-Wiig, Thomas Lawincky
Origines : Allemagne, Norvège
Genres : Thriller, Drame
Année de production : 2012
Date de sortie en Belgique : 11/06/2014
Durée : 1h37

dimanche 23 novembre 2014

Le Pays du Dauphin Vert d'Elizabeth Goudge

Nous sommes au XIXe siècle dans une bourgade des îles Anglo-Normandes. Venu emménager avec son père rue du Dauphin Vert, le jeune William se lie d’amitié avec ses deux voisines, des sœurs aussi dissemblables physiquement que psychologiquement : la douce et souriante Marguerite, jolie petite fille potelée aux boucles blondes comme les blés, et la tempétueuse et intelligente Marianne, jeune adolescente de 16 ans dépourvue de beauté. Deux sœurs bien différentes tombant amoureuses du même William. Bien qu’ayant une préférence marquée pour Marguerite, il éprouve néanmoins de l’estime pour la force de caractère de Marianne, ce qui ne l’empêche pas de confondre allégrement leurs deux prénoms. Une étourderie qui sera bien fâcheuse : établi comme colon en Nouvelle-Zélande, il demande par lettre la main de Marguerite. Mais constate avec effarement que c’est Marianne qui débarque du bateau, après plus de cinq mois de navigation … 

Et nous voilà embarqués dans un fameux pavé de presque 800 pages qui réussit l’exploit de ne jamais nous lasser tant les péripéties et autres rebondissement abondent au fil des pages. Nous assisterons à la vie harassante des pionniers venus s’établir dans ce nouveau monde et qui affronteront courageusement les intempéries et autres tremblements de terre en passant par deux guerres civiles avec les Maoris. Mais le plus combat le plus âpre n’est jamais celui contre la nature ou un peuple en révolte mais bien le combat contre soi-même : extirper de soi la jalousie, l’orgueil, l’égoïsme et l’ambition au profit du renoncement, de l’humilité et du sacrifice. De nombreux autres thèmes fleurissent dans ce roman, comme celui de la substitution, du paradis perdu et encore de l’enfance comme refuge de l’innocence. Notons aussi quelques personnages pittoresques au possible, qui sembleraient presque sortis d’un conte de fées (le capitaine O’Hara, son second Nat ou encore Tai Haruru), et un humour distillé avec parcimonie mais jamais absent (l’impitoyable perroquet Old Nick). Mais c’est surtout l’empreinte de mysticisme et de merveilleux qui donnent toute l’ampleur et la puissance de ce roman, un mysticisme allant du paganisme au panthéisme en passant par la religion et les croyances diverses. 

Un magnifique roman sur trois cœurs, qui à défaut de battre à l’unisson, ne pourront jamais se désaccorder totalement.

Le Pays du Dauphin Vert d'Elizabeth Goudge, Traduction de l'anglais par Maxime Ouvrard, Éditions Phébus Collection Libretto, 16 mai 2007, 800 pages.

Édition originale : Green Dolphin Country (1944)

 Note

A découvrir également :

* De Grandes Espérances de Charles Dickens
* Nord et Sud de Elizabeth Gaskell
* Le bouc émissaire de Daphné du Maurier


samedi 22 novembre 2014

Le portrait chez Egon Schiele

Egon Schiele (Tulln, 1890 - Vienne, 1918) est un peintre autrichien.  Influencé par Gustav Klimt, il fonda avec quelques peintre le Neukunstgruppe (Groupe d'Art Nouveau). Renommé pour la représentation âpre et fébrile des corps humains, il mourut à l'âge de 28 ans.

Egon Schiele
Portrait de peintre Hans Massman, 1909
Collection particulière

Egon Schiele
Portrait du peintre Anton Peschka, 1909
Collection particulière

Egon Schiele
Portrait de Marie Schiele au col de fourrure, 1907
Vienne, Collection particulière

Egon Schiele
Autoportrait, 1907
Collection particulière

Egon Schiele
Portrait d'Arthur Roessler, 1910
Vienne Historisches Museum der Stadt Wien

Egon Schiele
Femme en deuil, 1912
Collection particulière

Egon Schiele
Portrait de Herbert Rainer, 1910
Vienne, Osterreichische Galerie

Egon Schiele
Deux petites filles, 1911
Vienne, Graphische Sammlung Albertina

Egon Schiele
Edith Schiele, 1915
Vienne, Graphische Sammlung Albertina