lundi 13 octobre 2014

Extrait : Lettres à Felice de Kafka


N’êtes-vous pas importunée de recevoir des lettres recommandées ? Je ne vous les envoie pas seulement par nervosité, encore que ce motif existe aussi accessoirement, mais j’ai le sentiment qu’une lettre recommandée arrive plus directement entre vos mains, sans passer par le va-et-vient indolent de ces lettres simples condamnées à errer tristement, et, en y pensant, j’imagine toujours la main tendue d’un robuste facteur berlinois qui, le cas échéant, vous forcerait à prendre la lettre, même si vous vouliez vous en défendre. On n’a jamais assez de complices quand on est dépendant. 




4 commentaires:

  1. J'ai lu ces lettres aussi. Cet extrait est très représentatif de l'ensemble et surtout de la façon dont Kafka s'impose à Félice, si j'osais je dirais comme un cafard qui rampe sous une porte fermée. J'ai trouvé cette correspondance abominable et en même temps je n'ai pas pu arrêter de lire avant d'avoir avalé les deux tomes. Kafka a le don de réveiller les esprits voyeurs... Quelle étrange relation, tout de même...

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    1. Je n’ai lu jusqu’à présent que la moitié des Lettres à Felice, soit 400 pages sur les 800 pages que présente mon édition. On ne peut que ressentir une certaine commisération envers Felice, qui se retrouve comme une proie dans la toile de Kafka, qui tire un fil ou l’autre que pour mieux l’écarteler dans ses incertitudes. Felice n’est qu’un objet compulsionnel pour Kafka, une obsession autour de laquelle il ressasse sans cesse en lui imposant son émotivité exacerbée. Pauvre Felice qui ne sera jamais aimée pour elle-même mais seulement et uniquement pour l’idée qu’il s’en fera. Pour être encore plus précise, ce qu’aime Kafka en Felice, c’est l’idée de l’amour que Felice pourrait susciter mais qui n’adviendra jamais. Un amour virtuel qui ne prendra jamais corps, qui restera à jamais confiné dans un espace mental et imaginaire et qui restera à jamais lettres mortes. Il n’est d’ailleurs pas dupe, pour preuve ces quelques extraits qui soulignent bien le double jeu incessant auquel il se livre :

      « Et cette demande, suis-je sincère en vous la faisant ? Bien entendu, je suis sincère. Et ne suis-je pas insincère peut-être ? Naturellement, je suis insincère, et combien ! »

      « Aurais-je eu l’intention de me dire tien en signant ? Rien ne serait plus faux. Non, je suis mien et éternellement liè à moi ; voilà ce que je suis et il faut que je tâche de m‘en accommoder. »

      Une correspondance de cinq années… cinq années d’enfer. C’est totalement fou quand on y pense. On peut aussi y retrouver une certaine part de perversité.

      J’ai hâte en tout cas de lire Lettres à Milena, avec qui il aura une relation toute autre. Mais je veux d’abord terminer Lettres à Felice…

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  2. Je n'ai pas encore lu les lettres à Milena, mais j'y viendrai aussi !

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    1. Dans ce cas, au plaisir de lire ton compte-rendu :)

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