vendredi 10 octobre 2014

Le théâtre du crime

Rodolphe Archibald Reiss
L’exposition « Le théâtre du crime » du Musée de la Photographie de Charleroi propose les clichés de Rodolphe Archibald Reiss (Hechtsberg, 1875 - Belgrade, 1929), photographe vaudois et pionnier de la police scientifique et de la criminalistique moderne. Généralement vouées à l’anonymat des instituts d’expertise et demeurées longtemps confidentielles, ces photographies prises il y a plus de cent ans révèlent la mort dans toute son atrocité et sa nudité : suicides, meurtres, accidents, vols, traces relevées, armes et outils utilisées, marques d’effraction, taches de sang, corps mutilés. Dans le cadre des enquêtes, Reiss essayait de documenter le plus précisément possible tout ce qui pouvait être vu et constaté sur les lieux d’un délit. 

Ces représentations crues et sans fard de la mort et de ces corps comme désacralisés suscitent inévitablement de l’effroi et une certaine émotion. Ce qui frappe sur ces photos est l’extrême pauvreté et le dénuement des intérieurs des personnes de condition modeste du début du siècle. Je constate également que les femmes de cette époque (encore aujourd'hui ?) se faisaient souvent assassiner à leur domicile, tant le nombre de photos de corps féminins dans une chambre ou une cuisine abondent. Elles devaient probablement connaître leur bourreau, contrairement aux hommes, plus souvent tués à l'extérieur, dans un champ (suite à un règlement de compte ?), un bureau de banque (un vol ?), un hangar ou tout simplement en pleine rue. Mais ce sont finalement les photos de suicidés qui sont encore les plus atroces à voir.

Le but de cette exposition pose évidemment question : la confrontation à un corps décédé dans des circonstances violences et sans artifice, dans une société pour qui la mort est encore taboue, est-elle une manière de provoquer le visiteur et d’instaurer une prise de conscience? Qu’en est-il de la levée de l’anonymat ? On voit des visages en gros plans, le nom des victimes est mentionné également.   Quid des modalités de prescription ? On se questionne sur l'esthétisation du cadrage et de la prise de vue. J'ai appris depuis lors que ces photographies étaient  également vendues sur le marché de l’art et parfois même intégrées en tant qu'objets artistiques aux collections de  musées. Bref « Le théâtre du crime » est une exposition qui ne laisse pas indifférent, questionnant sur l'époque des faits mais également sur notre société actuelle.

Pour préserver les âmes sensibles et ne pas verser dans le voyeurisme, je ne dévoilerai que quelques photos présentes à l’exposition, les moins sordides. 


Rodolphe Archibald Reiss
LE THEATRE DU CRIME
24.05 > 07.12.14
Musée de la Photographie de Charleroi

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