vendredi 28 février 2014

Bilan du mois de février 2014









* * * *
Le chardonneret de Donna Tartt
Les grandes espérances de Charles Dickens ❤
Mémoire assassine de Thomas H. Cook ❤
L'île invisible de Francisco Suniaga
Schroder de Amity Gaige
A la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, adaptation de Stéphane Heuet (BD) ❤

Moderato Cantabile de Marguerite Duras











* * * *
Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch - 2014 ❤
Ida de Pawel Pawlikowski - 2014 
Les salauds de Claire Denis - 2013 ❤
After Life de Hirokazu Kore-eda - 1998 ❤
La chambre verte de François Truffaut - 1978
Les visiteurs d'Elia Kazan - 1972 ❤ 
Le reptile de Joseph L. Mankiewicz - 1970
Moderato Cantabile de Peter Brook - 1960


* * *
Jack et la mécanique du cœur de Stéphane Berla et Mathias Malzieu  - 2014
Mère et fils de Calin Peter - 2014
82 dagen in April de Bart Van den Bempt - 2014
Train de nuit pour Lisbonne de Bille August - 2013



* * (*)
Berberian Sound Studio de Peter Strickland - 2013



Carnet de notes : Quand tout est déjà arrivé de Julian Barnes


« Au commencement, Dieu créa les oiseaux, et les oiseaux volèrent. Dieu créa les anges, et les anges volèrent. Les hommes et les femmes eurent de longues jambes et un dos sans ailes, et Dieu les avait créés ainsi à dessein. Se mêler de "locomotion aérienne" était se mêler des affaires de Dieu. Cela allait se révéler être une longue lutte, pleine de légendes instructives. »

« Il naquit en 1820 et mourut en 1910. C'était un grand échalas à la crinière rousse, passionné et fébrile de nature. Baudelaire a parlé à son sujet d'une "étonnante expression de vitalité" ; ses élans d'énergie et la flamme de ses cheveux semblaient capables de propulser à eux seuls un ballon dans les airs.»

« Vous réunissez deux choses qui n'avaient encore jamais été mises ensemble. Et le monde est changé. Les gens ne le remarquent peut-être pas sur le moment, mais ça ne fait rien : le monde a quand même été changé. » 

« Les choses que Nadar réunit, qui n'avaient encore jamais été mises ensemble, étaient deux de ses trois emblèmes de modernité : la photographie et l'aéronautique. » 


Nadar élevant la Photographie à la hauteur de l'Art
Honoré Daumier, 1863

L’ascension d’un ballon sur le canal de la Giudecca à Venise
Francesco Guardi, 1784

Manet représenta Le Géant effectuant
se dernière ascension, avec Nadar à bord,
à partir de l'esplanade des Invalides

Francisco Goya

Henri Rousseau dit le Douanier Rousseau

L'oeil-ballon d'Odilon Redon


Extraits du roman Quand tout est déjà arrivé de Julian Barnes, qui nous fait voir le monde d'en haut en compagnie de Nadar. Toutes les illustrations ci-dessus sont citées dans le roman.












A découvrir également sur ce blog :

* Quand tout est déjà arrivé de Julian Barnes 

Schroder de Amity Gaige

A la demande de son avocat et à quelques semaines de son procès, Erik Schroder, père d’une petite fille appelée Meadow, prend la plume pour tenter d’expliquer à son ex-femme comment il en est venu à enlever leur fille. Un road-trip qui frôle l’inconscience pour voler quelques jours de bonheur auprès de son enfant. Parce qu’il refuse de se séparer de sa fille, parce qu’elle constitue sa seule raison de vivre.

Troisième roman d’Amity Gaige mais première traduction en français, cette histoire est inspirée de celle de Clark « Rockefeller », un imposteur de 48 ans d’origine allemande, jugé pour usurpation d'identité et enlèvement de sa fille après un divorce difficile.

Si ce roman traite avec sensibilité de la parentalité et des conséquences de la séparation du couple, à savoir l’éclatement de la cellule familiale et les enjeux de la garde des enfants en cas de divorce, Amity Gaige s’interroge surtout sur l’ambigüité de cet homme, Erik Schroder, qui s’est dissimulé durant des années sous une fausse identité.

Que cache cet homme qui a pris le nom de Kennedy depuis ses 14 ans, falsifiant pour la première fois son identité lors d’une inscription à un camp d’été ?

Un roman sur les non-dits, les apparences, les silences, la mémoire censurée et l’incommunicabilité. Sur les difficultés d’intégration et le sentiment d’exclusion d’un jeune garçon qui a fui l’Allemagne de l’Est avec son père et qui s’est toujours senti humilié, étranger et rejeté. Perdre son accent, effacer toute trace de son passé, être plus américain qu’un américain en portant fièrement le nom emblématique de Kennedy, véritable sésame pour la nouvelle vie qui s’offre à lui.

L’identité clivée, la fuite de soi et autres falsifications. Sommes-nous capables d’aimer véritablement lorsqu’on vit dans le mensonge depuis plus de trente ans ? Pouvons-nous trouver à ce père des circonstances atténuantes ? Pourrions-nous le pardonner ? Je crois que chaque lecteur apportera sa réponse. Un roman qui se lit d’une traite.

Merci à Babelio et aux Éditions Belfond pour m'avoir permis de découvrir ce roman qui paraîtra en mars 2014. 

jeudi 27 février 2014

Ida de Pawel Pawlikowski



Synopsis

Pologne, 1962. Avant de prononcer ses vœux, une jeune orpheline, élevée au couvent,  part à la rencontre de sa tante, seule membre de sa famille encore en vie. Elle va tenter de comprendre ce qui est arrivé à ses parents durant l’occupation nazie.

Savoir qui l’on est, revenir sur les traces de son passé, prendre conscience à quoi et à qui il faudra renoncer avant de prononcer ses vœux, donnant ainsi plus de force et de vérité à son engagement. Être capable de pardonner aussi. Pawel Pawlikowski mêle habillement l’histoire intime à l’histoire de la Pologne dans ce très beau film, parfois limite esthétisant. Certains cadrages sont volontairement trop hauts et décalés, comme si les personnages demeurent toujours un peu hors-champ de la vie, comme si quelque chose de plus grand les réduit parfois à de simples figurations, comme si finalement notre emprise sur le réel était à ce point réduite que nous ne pouvons que disparaître de l’image.

Si Ida est très bien interprétée par une jeune femme de 19 ans au visage encore juvénile (Agata Trzebuchowska, étudiante en philosophie et en histoire de l'art dans le civil), c’est avant tout sa tante (joué par Joanna Kulig) - surnommée Wanda la rouge - qui m’a le plus remuée tant son personnage est tout en ambigüité, en blessures, en contradictions perpétuelles. Si Ida est constante, sereine, d'un calme olympien et d'une force à toute épreuve, sa tante Wanda est au contraire une femme rude, un peu ogresse et monstrueuse à la fois, tout en étant dévastée de l’intérieur. Une ancienne victime de l’antisémitisme polonais qui s’est transformée, en tant que procureur de procès staliniens dans les années 50, en bourreau communiste au service de l’État.  Par idéalisme ? Ou par vengeance ? Envoyer de nombreux innocents à la mort se révélera infiniment plus destructeur que réparateur.

Ida est un film épuré, aux émotions retenues et enfouies, sur la complexité de l'histoire humaine, l'identité, la foi et le pardon. Pawel Pawlikowski aura mis de temps pour réaliser ce premier long métrage dans son pays natal. Mais le fait de vivre aujourd'hui à Varsovie, ville qui l'a vu naître, lui a donné le sentiment d'avoir enfin une certaine légitimité pour franchir ce cap. Gageons qu'il n'en restera pas là et qu'il continuera à filmer ce pays "plein de mystères et de contradictions".







« Quand Ida a été montré au festival Sundance, j’étais dans la salle, qui était très grande, très large, et j’ai réalisé, en voyant tous les visages tournés vers l’écran, vers l’image étroite au format carré, que j’avais fait ce film pour qu’il soit comme une prière. Pas pour qu’il communique facilement, pas pour qu’il explique, qu’il donne à comprendre, mais pour qu’on puisse, en le regardant, en regardant Ida, partager un peu de recueillement, un peu de mystère. »

« Je n’ai jamais vu des plans comme ça dans un film ! Ce genre de cadrage, c’est le résultat du format carré de l’image et du choix de faire des plans fixes. Pour les plans larges, ce n’était pas facile de trouver comment placer les comédiens dans le cadre, l’espace flottait autour d’eux. Alors, j'ai essayé de mettre de l'espace au-dessus, en haut. J’ai donné de l’air. C'était plus cosmique, plus bizarre, ça m'a plu. Sans intellectualiser cette démarche. C’était simplement touchant de voir des personnages perdus dans l'espace du cadre. »
          Extrait de l'interview de Pawel Pawlikowski, dans le magazine Télérama.


Réalisateur: Pawel Pawlikowski
Acteurs: Joanna Kulig Agata Trzebuchowska Agata Kulesza Dawid Ogrodnik Adam Szyszkowski Jerzy Trela Artur Janusiak
Origines: Pologne Danemark
Genre: Drame
Année de production: 2013
Date de sortie: 12/02/2014
Durée: 1h19

mercredi 26 février 2014

Le Reptile de Joseph L. Mankiewicz



Synopsis

Paris Pittman, incarcéré à la prison fédérale d'Arizona pour vol à mains armées, est un manipulateur et un grand charmeur. Les 500 000 $ qu'il a caché avant son arrestation, ainsi que le brillant plan qu'il a mis au point pour s'évader et récupérer son butin, font pour beaucoup dans sa popularité auprès des autres détenus. Le nouveau directeur de la prison, Woodward Lopeman a lui aussi des idées derrière la tête : le charisme de Pittman peut l'aider à rallier les détenus à sa cause en vue de réformer l'institution pénitentiaire. Seulement, leur collaboration a des limites... chacun n'ayant d'autre but que d'assouvir ses propres intérêts...

Joseph L. Mankiewicz s'essaie au western en s'affranchissant des règles du genre. Mal reçu à sa sortie, il faut dire qu'il déroute plus d'un spectateur par le cynisme assez féroce qui s'en dégage. Paris Pittman (Kirk Douglas) est aussi sympathique de par sa truculence, son intelligence et son humour,  qu'abject, égoïste et cupide par son objectif final. Las, le spectateur attend du nouveau directeur Woodward Lopeman (Henry Fonda), un homme d'apparence très intègre et propre sur lui, une rédemption ou du moins une réparation. C'est mal connaître le réalisateur qui signe ici un film d'une grande insolence et d'une sacrée immoralité. Manipulations, tromperies, hypocrisies, joyeux cynismes et autres manigances,  l'avant-dernier film du réalisateur ne va décidément pas  nous réconcilier avec le genre humain. Provocateur et divertissant.



Titre : Le reptile (There Was a Crooked Man)
Réalisateur :  Joseph L. Mankiewicz
Genre : Western
Acteurs : Kirk Douglas , Henry Fonda , Hume Cronyn
Durée : 2h6min
Pays de production : États-Unis
Année de production : 1970
Distributeur : WARNER


Timothy Allen (photographe)

Timothy Allen est né à Tonbridge, dans le Sud-Est de l'Angleterre (Kent), en 1971. Ce photojournaliste anglais est surtout connu pour ses reportages et photographies ethnographiques. Ces dernières années, il a essentiellement travaillé avec les peuples autochtones à travers le monde, témoignant de la diversité du patrimoine culturel de l'humanité . 


Enfumage de nids d'abeilles par un cueilleur de miel, République centrafricaine
Timothy Allen

Gerewol, Niger, Afrique
Timothy Allen

Courtship ritual, Western Highlands, Papouasie-Nouvelle-Guinée
Timothy Allen

Huli Tribe, Central Highlands, Papouasie-Nouvelle-Guinée
Timothy Allen

Le Festival annuel du crépissage de la grande mosquée de Djenné, au Mali
Timothy Allen

Arrosage de jardin, Mali
Timothy Allen

Illulisat, Groenland
Timothy Allen

Pêcheurs, mer de Chine du Sud, Philippines
Timothy Allen

Timothy Allen


Timothy Allen a plusieurs prix à son actif dont celui attribué aussi bien aux voyageurs amateurs qu'aux explorateurs chevronnés : The Travel Photographer Of The Year awards 2013 lui a été décerné pour la photo ci-dessous.


Le Festival annuel du crépissage de la grande mosquée de Djenné, au Mali
Timothy Allen

Quelques mots sur la grande mosquée de Djenné :

C'est le plus grand édifice du monde en terre crue ; elle est considérée par de nombreux architectes comme la réalisation majeure du style architectural soudano-sahélien, tout en reflétant des influences islamiques. Toute la communauté des habitants de Djenné prend une part active à l’entretien de la mosquée, dans le cadre de festivités annuelles, avec musique et restauration traditionnelles. La mosquée de Djenné est inscrite depuis 1988 à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.


Vue de la mosquée côté nord :

par Andy Gilham

mardi 25 février 2014

Mintzkov - Word of Mouth (Musique)




Mintzkov est un groupe de rock belge, formé à Anvers.  Le groupe remporte le concours du meilleur groupe du magazine belge Humo en 2000.  Mintzkov pratique un rock proche de dEUS, avec un accent plus power pop et mélodique.

En concert le samedi 01/03/2014 au Botanique.

lundi 24 février 2014

George Jeanclos (sculpteur)








Georges Jeanclos, pseudonyme de Georges Jeankelowitsch, né le 9 avril 1933 à Paris et mort le 30 mars 1997 à Paris, est un sculpteur français.

dimanche 23 février 2014

Mémoire assassine de Thomas H. Cook


Quatrième de couverture

L’équilibre apparent de la vie de Steve Farris se brise le jour où il rencontre Rebecca, qui enquête sur les tueries familiales inexpliquées. Les souvenirs refont surface : il n’avait que sept ans quand il trouva sa mère, sa sœur et son grand frère sauvagement assassinés. Son père avait, quant à lui, disparu. Qu’est-il devenu ? Comment accepter l’inacceptable ? Et comment échapper à son propre passé ?


Mon avis

C’est le quatrième roman que je lis de Thomas H. Cook. Et si je ne suis pas toujours follement enthousiaste après chaque lecture, ce roman-ci est une totale réussite.

Les questions qui hantent l’auteur sont récurrentes dans tous ses livres lus jusqu’à présent : quelles sont les origines du mal ? Quelles sont les répercutions de cette violence sur les membres d’une famille, que cette violence soit intrafamiliale ou non ? Le mal est-il transmissible ?

Dans Mémoire assassine, Thomas H. Cook s’interroge sur les tueries familiales et les profils psychologiques de ces pères qui, un jour, massacrent tous les membres de leur famille. Comme toujours, c’est l’aspect psychologique qui prime et nous remontons les arcanes de la mémoire en compagnie de Steve Farris, seul fils de la fratrie à avoir survécu, étant ce jour fatal absent de la maison familiale. Dans quels mensonges son père s’était-il enfermé pendant qu’il vivait avec eux, quelle rancœur et quelle amertume ont fini par déborder en ce jour de novembre ? Un fils qui s’interroge sur la possibilité de porter en lui ce germe de violence, une tare familiale silencieuse mais qui pourrait se révéler un jour. La vie n’est-elle qu’une vaste supercherie ? De quelle source peut jaillir une telle violence ? Comment a-t-il pu échapper à sa sinistre emprise ?

Son père, sans doute toujours vivant à ce jour, s’étant échappé après la tuerie familiale et n’ayant jamais été capturé depuis, demeure une énigme absolue qu’il va tenter de déchiffrer. Mais à quel prix ?

Comme souvent, Thomas H. Cook va au bout des choses et n’hésite pas à aller vers la tragédie dans la dernière partie de ses romans. Pas d’exception ici non plus, mais un retournement de situation dans les dernières pages, très surprenantes. Le mal épouse parfois des méandres bien sinueux.

Un très bon roman de Thomas H. Cook, efficace, émouvant et progressivement addictif.


samedi 22 février 2014

Le couple et le duo chez Oskar Kokoschka

Peinture de Oskar Kokoschka
Enfants jouant de Oskar Kokoschka, 1909

Portrait de Oskar Kokoschka
Hans Tietze et Erica Tietze-Conrat de Oskar Kokoschka, 1909

Peinture de Oskar Kokoschka
L'annonciation de Oskar Kokoschka, 1911

Portrait de Oskar Kokoschka
Double portrait (Kokoschka et Alma Mahler), 1912-13

Peinture de Oskar Kokoschka
La tempête ou La fiancée du vent de Oskar Kokoschka, 1913

Autoportrait de Oskar Kokoschka
Two Nudes (Lovers), 1913
Autoportrait de Kokoschka avec Alma Mahler

Peinture de Oskar Kokoschka
Lovers with Cat de Oskar Kokoschka, 1917

Peinture de Oskar Kokoschka
Femmes arabes et enfant, 1929



Voir également, sur ce blog :

L'art du portrait chez Oskar Kokoschka
Oskar Kokoschka, citoyen du monde et grand voyageur
Les autoportraits de Oskar Kokoschka


vendredi 21 février 2014

A double tour de Claude Chabrol



Synopsis

Henri Marcoux vit à Aix-en-Provence avec sa femme Thérèse et leurs deux enfants. Il entretient une liaison amoureuse avec la jeune Léda. Thérèse fermerait les yeux sur cet adultère si leur fille, Elisabeth n’était pas éprise de Laszlo Kovacs. Ce jeune hongrois instable et libertin encourage en effet Henri à tromper sa femme. Un matin, Léda est retrouvée assassinée.

Alors oublier de suite la mention « un suspense exceptionnel » de la jaquette tant vous risquez de ne pas vous y retrouver. Premièrement, le meurtre n’arrive qu’après une bonne heure du film, deuxièmement le coupable est aussi aisément repérable qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Point de suspense policier donc, mais une étude de mœurs dans le milieu bourgeois dans lequel on ne divorce pas. Et le moins que l’on puisse dire est que Claude Chabrol, qui signe ici son troisième film, ne fait pas dans la dentelle : il convient de sauver les apparences, de ne pas faire de scandale, de ne pas en parler devant les enfants (qui ont pourtant passé l'âge), d’accepter la situation plutôt que se passer de la maison et de l’affaire familiale. Lâcheté, cupidité, hypocrisie et autres névroses. Ajoutez à cela un futur gendre, épicurien et trublion de service - Laszlo Kovacs joué par Jean-Paul Belmondo qui en fait des tonnes - perçu comme un germe potentiel d’une contamination sociale. C’est qu’on ne se mélange pas dans ces milieux-là. Le hic, c’est que Laszlo Kovacs est tellement imbuvable qu’il faut vraiment détester sa fille pour la promettre en mariage à un tel énergumène. Et même la servante délurée (Bernadette Lafont) semble finir par se demander ce qu’elle vient faire dans cette affaire.

A double tour est un film hybride, qui hésite entre le portrait psychologique, la romance et l’enquête policière. Un petit Chabrol avec un côté fortement partial, grinçant et caricatural. Reste l’excellente prestation de Madeleine Robinson, qui arrive à défendre un personnage (l'épouse trompée qui refuse le divorce), qui avait pourtant tout contre lui. A voir par curiosité.






À double tour (Titre italien : A doppia mandata) est un film franco-italien réalisé par Claude Chabrol, sorti en 1959.


jeudi 20 février 2014

De Grandes Espérances de Charles Dickens


Quatrième de couverture

Elevé, à la mort de ses parents, par sa redoutable sœur, Pip semble promis à l’existence obscure d’un jeune villageois sans fortune.  Mais il a le privilège de vivre au milieu de créatures singulières dont l’existence seule accrédite la croyance au miracle : son beau-frère, le forgeron Joe Gargery au sourire débonnaire, Abel Magwitch, le forçat au grand cœur, émule de Jean Valjean et, surtout, la pittoresque Miss Havisham et son éblouissante protégée, Estella.  Estella au nom prédestiné, dont la froide et fascinante beauté exalte et désespère à la fois le jeune Pip.


Mon avis

L’écriture des Grandes Espérances, en 1860, marque un tournant dans la carrière de Charles Dickens. Après avoir écrit des œuvres plutôt sombres et moroses (Bleak House, Les Temps difficiles et La Petite Dorit), son public attend un retour vers le roman à la manière de David Copperfield, paru dix ans plus tôt. Des impératifs commerciaux, assurer la rentabilité de son périodique All the Year Round, constitue sa deuxième motivation pour se plonger dans l’écriture de ce roman, qui paraîtra initialement en trente-six feuilletons hebdomadaires, du 1e décembre 1860 au 3 août 1861.

Ce roman d’apprentissage, alliant le conte à la tragédie et au burlesque, d’un jeune orphelin quittant sa campagne pour la métropole londonienne, recevant un pécule pour couvrir toutes ses dépenses pendant ses années d’apprentissage par un mystérieux protecteur inconnu, est l’occasion de découvrir toute une galerie de personnages hauts en couleur, touchant toutes les couches sociales. Le narrateur, le jeune Pip, est une sorte d’anti-héros pouvant parfois paraître bien peu sympathique tant il commet de nombreuses erreurs de jugement et de mauvais choix, transformant progressivement la promesse de grandes espérances en perte des illusions et du paradis perdu.

Un roman que j’ai lu en deux phases, une première phase assez fastidieuse avec une réelle difficulté à apprivoiser le style et la manière, une deuxième phase franchement plus agréable et alerte dans la lecture. Entre les deux phases ? La lecture du Chardonneret de Donna Tartt, qui par une étrange coïncidence fait beaucoup penser au roman De Grandes Espérances de Charles Dickens. Comme si l’un m’avait permis de mieux appréhender l’autre. Et c’est avec grand plaisir que j’ai finalement terminé ma lecture de ce roman, dont les personnages me hanteront encore longtemps. Quelques scènes d’anthologie ne sont pas en reste, comme la rencontre de Pip et du forçat dans les marais, celle de Miss Havisham, éternelle fiancée en deuil qui l’utilisera pour assouvir sa vengeance sur les hommes, son amour impossible pour Estella, le maléfique Orlick qui veut le brûler vivant, sa fuite en compagnie du forçat sur la Tamise vaseuse…

Désillusion, désenchantement, démystification et un cheminement progressif vers la vérité et la prise de conscience, c’est à un véritable roman de formation auquel nous convie Charles Dickens.


Extraits, à propos de Miss Havisham
J’avais entendu parler de miss Havisham. Qui n’avait pas entendu parler de miss Havisham à plusieurs milles à la ronde comme d’une dame immensément riche et morose, habitant une vaste maison, à l’aspect terrible, fortifiée contre les voleurs, et qui vivait d’une manière fort retirée ?
[...]
Miss Havisham se tenait immobile comme un cadavre pendant que nous jouions aux cartes ; et les garnitures et les dentelles de ses habits de fiancée semblaient pétrifiées. Je n’avais encore jamais entendu parler des découvertes qu’on fait de temps à autre de corps enterrés dans l’antiquité, et qui tombent en poussière dès qu’on y touche, mais j’ai souvent pensé depuis que la lumière du soleil l’eût réduite en poudre.
[...]
Je vis que dans sa robe nuptiale, la fiancée était flétrie, comme ses vêtements, comme ses fleurs, et qu’elle n’avait conservé rien de brillant que ses yeux caves. On voyait que ces vêtements avaient autrefois recouvert les formes gracieuses d’une jeune femme, et que le corps sur lequel ils flottaient maintenant s’était réduit, et n’avait plus que la peau et les os. 

Première visite de Pip à Satis House, par John McLenan