mardi 30 avril 2013

Bilan du mois d'avril 2013








* * * *
Betibou de Claudia Piñeiro
Les Leçons du Mal de Thomas H. Cook ❤
La tristesse du samouraï de Victor Del Arbol
Loin des bras de Metin Arditi 


* * * (*)
Le bon hiver de João Tordo
Les affligés de Chris Womersley
Dans la grande nuit des temps d'Antonio Muñoz Molina










* * * * 
The Grandmaster de Wong Kar-wai - 2013 ❤
The Place beyond the Pines de Derek Cianfrance - 2013
Blancanieves de Pablo Berger - 2012 ❤
Searching for Sugar Man de Malik Bendjelloul - 2012



* * *
Le Temps de l'aventure de Jérôme Bonnell - 2013
Le Hobbit : un voyage inattendu de Peter Jackson - 2012
Elefante blanco de Pablo Trapero - 2012
Happiness Therapy de David O. Russel - 2012
Oblivion de Joseph Kosinski - 2012
L'Homme qui rit de Paul Leni  - 1928


* *
Perfect Mothers de Anne Fontaine - 2013


jeudi 18 avril 2013

Dans la grande nuit des temps de Antonio Muñoz Molina

Quatrième de couverture
 
Avec ces mille pages d'amour et de guerre, Antonio Muñoz Molina reprend les thèmes qui traversent toute son œuvre - la mémoire historique, la conscience morale, l'infinie complexité des sentiments- et signe non seulement son plus beau roman mais aussi un véritable chef-d'oeuvre.Dans ce livre total, politique et sentiments sont les deux faces d'une tragédie qui plonge le personnage principal Ignacio Abel dans une spirale qui lui fera perdre son amour, son pays et son engagement. A la fin de 1936, cet architecte espagnol de renom, progressiste et républicain, monte les marches de la gare de Pennsylvanie, à New York, après un périple mouvementé depuis Madrid où la guerre civile a éclaté. Il cherche Judith Biely, sa maîtresse américaine perdue, poursuivi par les lettres accusatrices de sa femme, Adela, et taraudé par le sort incertain de ses deux jeunes enfants, Miguel et Lita. Antonio Muñoz Molina le regarde chercher le train qui doit le conduire dans une petite ville au bord de l'Hudson, Reinheberg, et reconstruit dans un époustouflant va et vient dans le temps la vie d'Ignacio Abel, fils de maçon, devenu architecte à force de sacrifices, marié à une fille de la bourgeoisie madrilène arriérée et catholique, déchiré par sa passion amoureuse et par la violence des événements politiques. Cette grande fresque sur les heures qui ont précédé la prise de Madrid par les franquistes - où se croisent nombre de personnages historiques et littéraires- est aussi un roman intimiste et charnel qui fouille avec une lucidité admirable et bouleversante au plus profond de la matière humaine.
 
 
L’art du portrait n’a décidément plus de secret pour Antonio Muñoz Molina, tant il excelle à nous dépeindre chaque personnage dans ses moindres détails et pensées. Il n’est pas en reste non plus concernant la psychologie humaine, tant les personnages sont frappants de justesse. Il nous décrit aussi avec beaucoup de finesse la ville de Madrid pris de folie dans une guerre civile qui ne veut pas dire son nom.
 
Une écriture ciselée, de longues phrases et un roman touffu qui a malheureusement fini par m’étouffer par tous ces détails, répétitions, retours en arrière, atermoiement et autres. Avec cette impression que l’auteur ne laissait finalement plus beaucoup de place à mon imaginaire : manque de respiration, manque d'évasion, tout est trop précis, cadré, détaillé.
 
Une lecture en demi-teinte, qui devrait convenir aux amateurs de Proust. Une lecture qui peut donc s’apparenter à un chef d’œuvre pour les uns ou un calvaire pour les autres.
 
Peut-être que le fil de son intelligence s'était-il émoussé, de même que sa vue devenait plus faible, ses mouvements un peu plus maladroits, son corps plus lourd et plus épais, et n'était plus traversé depuis si longtemps par une pointe de véritable désir. La tension de l'attente restait intacte, mais il était très probable que ce qui l'attendait dans l'avenir ne serait guère plus que ce qui était survenu dans le passé. Le suspense de l'inconnu , le sentiment d'une possibilité illimitée, il ne les ressentirait plus comme du temps de son séjour en Allemagne, si lumineux et si bref dans son souvenir. Son talent et son ambition, il les avait mis dans son métier. Il avait été le spectateur distrait de sa propre vie, comme on délègue à d'autres les détails subalternes d'une entreprise complexe.
 
Un peu d'humour (il y en a peu dans ce roman)
 
« Croyez-vous qu'on puisse faire confiance à un philosophe qui teint ses cheveux blancs avec une teinture de mauvaise qualité et qui prend tant de soin pour dissimuler sa calvitie, sans la moindre chance de succès ?
- Il paraît qu'il porte aussi des talonnettes dans ses chaussures.
- Vous, comme architecte, vous remarquez les détails de structure ! Moi, je me contente de la décoration. »
 
Par contre, il est beaucoup question d'amour :
 
« Le temps qu'il passerait avec Judith Biely serait toujours mesuré, menacé, toujours soumis à l'inquisition de quelqu'un, à l'usure angoissante des heures et des minutes, à la pression de la montre qu'on ne veut pas regarder et que pourtant l'on regarde discrètement du coin de l'œil, des horloges publiques qui approchent très lentement de l'heure d'un rendez-vous ou indiquent avec indifférence celle d'une séparation que l'on ne peut plus différer. »
 
« Ils voulaient combler par des mots écrits le vide du temps qu'ils ne passaient pas ensemble, prolonger une conversation dont ils ne se lassaient jamais, brisant le délai angoissant qui s'ouvrait après la fin de chaque rencontre. »
 
Une très belle écriture, sans conteste ! 


Les Leçons du Mal de Thomas H. Cook

Quatrième de couverture
 
Jack Branch est un fils de bonne famille, professeur dans le petit lycée de Lakeland, Mississippi. Très impliqué dans son métier, soucieux de justice dans un pays encore marqué par la guerre de Sécession, il se prend d’affection pour un élève taiseux et renfrogné du nom d’Eddie Miller. Eddie se tient à l’écart de la communauté, résigné, écrasé par le poids de son ascendance : il est le fils du « tueur de l’étudiante », mort en prison quinze ans plus tôt. Le mal se donne-t-il en héritage ? Peut-on sauver les gens d’eux-mêmes ? Pour libérer Eddie de son fardeau, Jack lui suggère de mener une enquête sur son père. Le maître et l’élève découvrent peu à peu un monde où le bien et le mal se confondent, chargé de violence et de mirages : un monde de ténèbres.
 
Ce roman n’est pas vraiment un roman policier et certainement pas un thriller non plus : le rythme est lent et impose une lecture indolente et tranquille tout en nous ferrant peu à peu presque malgré soi j’ai envie de dire. On se surprend finalement à vouloir connaître la suite tant on se demande où tout cela va nous mener. Outre la division de classes de la société et le communautarisme, ce sont surtout les thèmes de la filiation, la transmission et l’hérédité qui sont abordés. Avec toute cette question du mal : peut-on transmettre en héritage la violence ?
 
Vous l’aurez compris, « Les leçons du mal » est un roman psychologique mais aussi avant tout un roman noir. On peut lui reprocher sur la fin quelques facilités qui s’apparentent à une mécanique un peu trop bien huilée mais qu’importe, l’émotion et l’intensité sont bien là.
 
Premier roman que je lis de Thomas H. Cook mais certainement pas le dernier, tant cette première approche a été une belle découverte d’un auteur que je vais suivre dorénavant de très près. Et un auteur très sympathique qui plus est, rencontré dernièrement à la foire du livre de Bruxelles. Mon tout prochain roman sera « Au lieu -dit Noir-Etang ». A suivre donc. 


mercredi 3 avril 2013

Le bon hiver de João Tordo

Quatrième de couverture
 
Attiré à Budapest par la perspective d'un modeste défraiement, un jeune écrivain portugais misanthrope et hypocondriaque rencontre un confrère italien extraverti et désinvolte, qui ne tarde pas à le convaincre de le suivre à Sabaudia, sur les terres de Pasolini et de Moravia. Ils se joignent à une faune hétéroclite d'artistes marginaux en provenance des quatre coins du monde, conviés dans une fastueuse résidence nichée au coeur de l'Agro pontino par le producteur lion Metzger. L'extravagant mécène cultive une autre lubie : faire voler des montgolfières vides, façonnées comme des oeuvres d'art par Bosco, un ancien mercenaire catalan. Au lendemain d'une mémorable bacchanale, on découvre le corps de l'amphitryon flottant sur le lac de la propriété. Le meurtre est manifeste, et Bosco se charge d'enquêter pour venger la mort de son protecteur. Il séquestre dans cette cage dorée des invités qui, soudainement livrés à leurs fragilités les plus intimes, se transforment en protagonistes d'un huis clos qui tourne au pugilat, davantage victimes d'eux-mêmes que de leur cerbère, en quête d'une vérité qui n'est pas la solution de l'énigme. Ce thriller asphyxiant distille l'atmosphère crépusculaire qui caractérise l'univers de Joao Tordo. Des lieux clos, le mal en dedans, des êtres vacillants sur une corde raide, loin de leurs repères affectifs et géographiques, attirés toujours par l'abîme.
 
Un roman très plaisant à lire mais qui n’arrive pas, dans sa deuxième partie, à rendre l’ambiance asphyxiante et angoissante annoncée par la quatrième de couverture. Pourtant tout est mis en place pour la générer mais l’auteur n’arrive pas vraiment à insuffler un climat digne de ce nom censé nous prendre aux tripes. Dommage car ce sera mon seul bémol mais de taille tout de même. Sinon la galerie de personnages est intéressante (bravo pour le clin d’œil au Dr House – le narrateur s’identifiant à ce personnage télévisuel) et le roman se lit d’une traite, alliant humour, cynisme et introspection avec un certain talent.