jeudi 11 novembre 2010

Jules Schmalzigaug, Un futuriste belge

A l’occasion de l’exposition qui lui est consacrée aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles. Du 29.10.2010 au 06.02.2011.













Jules Schmalzigaug, seul futuriste belge, sur des chapeaux de roue… 

Il y avait plus de vingt-cinq ans que l'on n'avait plus présenté à Bruxelles ce futuriste de la première heure qui se suicida à l'âge de 35 ans, nous laissant une oeuvre brève et fulgurante. Futuriste de la première heure, parmi les plus innovants, Schmalzigaug, né à Anvers en 1882, Allemand par son père, naturalisé belge, et francophone, fut le seul Belge à faire partie du célèbre mouvement futuriste d'origine, au même titre que Balla, Boccioni, Carra et autres défenseurs de la modernité galopante. Phil Mertens, notamment, ancienne conservatrice du Musée lui consacra bien un livre en 1984 et une expo en 85, mais Schmalzigaug reste peu connu. Le sort de Schmalzigaug, comparé à celui des futuristes italiens, est exemplaire de la frilosité du milieu artistique belge de l'époque. Il est possible que Schmalzigaug, s'il avait exposé en Belgique et vécu au-delà de 1917, date de son suicide, aurait été célèbre tant l'œuvre manifeste de qualité plastique au sein du mouvement italien. Une œuvre ultrabrève, qui tâtonna pendant dix ans avant de donner cette variation lumineuse d'un futurisme que Paris lui avait révélé en 1910, et qui fit l'effet d'une bombe. Schmalzigaug, au cours de séjours successifs à Anvers, Venise, Bruges et Paris, se cherche, picore, s'intéresse au pointillisme, au fauvisme, à l'expressionnisme, au cubisme. En 1913, après avoir assimilé les trouvailles de Jacob Smits en matière de lumière, il est mûr pour approcher à Venise la révolution futuriste et participer à l'Esposizione libera futurista internazionale, avec six tableaux majeurs. Son langage surtout nourri de « simultanisme » à la française (Les Delaunay) y apparaît d'emblée différent. Le peintre belge refuse les formules, la dissociation cubiste de la facture, cherche à s'affranchir de la couleur-forme sans compromettre la structure, élabore une théorie optique des plus rébarbatives, le « panchromisme ». Mais sur la toile, c'est le ravissement. Intérieur de Saint-Marc, Développement d'un rythme, Intérieur d'une salle de bal, Vitesse et Le soleil frappe l'église della Salute contribuent au mouvement entre 1913 et 1915 par un sensualisme jaillissant, un sentiment rare d'accomplissement. La sensation de mouvement et de vitesse – d'un temps qui avance en boucle – y est totale. La touche est fragmentée, l'image éclatée mais harmonieuse, musicale, annonçant Kandinsky et l'abstraction. Son art marque une longueur d'avance. C'est cette originalité au sein du futurisme cosmopolite que le musée consacre. Les tableaux les plus significatifs ne sont pas légion mais composent avec les travaux préparatoires sur papier, une exposition aussi belle que complète. Exilé à La Haye pendant la guerre, le peintre broie du noir en dépit de ses recherches incessantes, de l'école d'artisanat qu'il dirige, de rencontres avec Rik Wouters, Willem Paerels, Frans Smeers. Les raisons de son suicide restent obscures. On sait seulement qu'il se sent isolé, miné par la nostalgie de Venise qu'il vénère à l'inverse d'autres futuristes ne rêvant, eux, qu'à l'anéantir ! Au diapason côté peinture, Schmalzigaug n'a en effet jamais partagé leurs vues politiques et moins encore leur enthousiasme pour la beauté logistique de la machine de guerre… 

Source : Le Soir

Lien : Jules Schmalzigaug, Un futuriste belge