mercredi 19 août 2009

Quelque chose à te dire de Hanif Kureishi

Quatrième de couverture

Jamal, psychanalyste d’une cinquantaine d’années, connaît un certain succès. Suivant le rythme de ses consultations, professionnelles et amicales, sa vie est marquée par la régularité et l’écoute. Cette sérénité apparente masque néanmoins de nombreux tourments personnels. Jamal n’a rien oublié de son enfance dans la banlieue des années 1970, d’un premier amour dont il n’a pas fait le deuil, et d’un événement tragique qui continue à le hanter… Tout vacille lorsque deux témoins d’un passé longtemps refoulé ressurgissent dans sa vie…

Hanif Kureishi restitue avec brio la liberté, l’euphorie et les luttes sociales qui ont marqué l’Angleterre pendant quarante ans. Il donne vie à des personnages magnifiques qui cherchent à donner un sens à leur existence chaotique.


Quel roman foisonnant !

« Quelque chose à te dire » est le premier roman que je lis de Hanif Kureishi, mais ce ne sera certainement pas le dernier. Il est d’ailleurs loin d’être le premier venu, étant l’auteur de nombreux romans dont « My Beautiful Laundrette » (adapté au cinéma par Stephen Frears) et « Le Bouddha de banlieue », pour ne citer que ces deux romans.

Etant fils d'immigré pakistanais, Hanif Kureishi nous plonge dans la communauté anglo-pakistanaise de Londres et les problèmes identitaires générés par le brassage des cultures sans pour autant délaisser d’autres thèmes plus universels tels que le bilan d’un quinquagénaire qui vient de se séparer de sa femme, le sentiment de culpabilité, la résurgence des actes passés, le poids du secret et des regrets, l’amitié, la famille, les problèmes de couple, le manque de désir, la paternité, la sexualité, les occasions manquées … le tout porté par une galerie de personnages hauts en couleurs avec comme toile de fond l’Angleterre des années 70 aux attentats dans le métro de l’année 2005.

Personnages hauts en couleurs mais aussi terriblement attachants, bien que ce n’était pas si évident que cela au départ : Hanif Kureishi a beau promener ces personnages dans les endroits les plus glauques de Londres, allant du bar à stripteaseuses aux soirées échangistes en passant par le bordel, sans oublier la drogue, l’alcool, les milieux huppés des stars et les petites magouilles en tous genres, il n’arrive jamais à nous en détourner un seul instant. Contrairement aux apparences, nous sommes en effet bien loin de l’univers de Houellebecq : on ne peut qu’éprouver un certain attendrissement face à ces hommes et femmes en manque de repères essayant tant bien que mal de s’y retrouver dans une vie tumultueuse et désordonnée.

Les confessions de Jamal, psychanalyste à la ville, pourront désorienter certains lecteurs de par l’ampleur des thèmes abordés et les digressions multiples qui jalonnent ce roman, donnant parfois l’impression d’un récit décousu et trop bavard. Il n’en fut rien en ce qui me concerne, ayant beaucoup apprécié me perdre dans les méandres des pensées de Jamal, qui porte un regard sans complaisance sur son époque et les faiblesses de ses contemporains sans pour autant être dénué de tendresse et de compassion.

Une peinture multiculturelle londonienne douce-amère mais non dépourvue d’humour et de dialogues souvent savoureux d’un homme à mi-parcours de sa vie au ton subtil et sensible. Un très bon roman !

Extraits choisis :

« Je suis psychanalyste ; ou, pour le dire autrement, je suis un décrypteur d’esprits et de signes. Il arrive également qu’on m’appelle dépanneur, guérisseur, enquêteur, serrurier, fouille-merde ou, carrément, charlatan, voire imposteur. Tel un médecin allongé sous une voiture, je m’occupe de tout ce qui se trouve sous la capot, sous l’histoire officielle : fantasmes, souhaits, mensonges, rêves, cauchemars – le monde qui se cache sous le monde, le vrai sous le faux. Je prends donc au sérieux les trucs les plus bizarres, les plus insaisissables ; je vais là où le langage n’a pas accès, là où il s’arrête, aux limites de “l’indicible” – et tôt le matin, qui plus est. »

« Pour lui, comme pour les autres psys tendance baba, une analyse n'était pas faite pour transformer les gens en conformistes respectables mais pour les laisser être aussi fous qu'ils le souhaitaient, vivant pleinement et assumant leurs conflits - même au prix de plus grandes souffrances - sans s'autodétruire. Je l'ai compris assez vite, quand il a cité Pascal : "Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou que de n'être pas fou." »

« Vous savez, Maria, j'ai compris que j'étais fichu quand j'ai décidé de me mettre à l'aquarelle... »

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