mardi 10 mars 2009

Les braises de Sándor Márai

Reconnu comme l'un des plus grands auteurs de la littérature hongroise et l'un des maîtres du roman européen, l'écrivain Sándor Márai (1900-1989) s'inscrit dans la lignée de Schnitzler, Zweig ou Musil. L'auteur des Révoltés, des Confessions d'un bourgeois ou de La Conversation de Bolzano n'a eu de cesse de témoigner d'un monde finissant, observant avec nostalgie une Europe mythique sur le point de s'éteindre.

A travers la dramatique confrontation de deux hommes autrefois amis, « Les Braises » évoque cette inéluctable avancée du temps. Livre de l'amitié perdue et des amours impossibles, où les sentiments les plus violents couvent sous les cendres du passé, tableau de la monarchie austro-hongroise agonisante, ce superbe roman permet de redécouvrir un immense auteur dont l'œuvre fut interdite en Hongrie jusqu'en 1990

Vous aimez Stefan Zweig ? Alors vous aimerez Sándor Márai ! 

L’auteur ausculte la psychologie humaine avec tellement de talent que je me demande par quel mystère je n’ai jamais lu un roman de Sándor Márai  avant ce jour ? L’amitié trahie, les amours contrariés, la passion, la lâcheté, l’égoïsme, la suffisance et la prétention, l’agonie d’un monde qui se meurt et le vieillissement, tels sont les thèmes principaux de ce roman.  Le tout porté par une belle plume dans l’atmosphère froide du château d'un vieil aristocrate hongrois aux nombreuses pièces fermées depuis la mort de sa femme, ultime huis clos où se confronteront, autour d’une table spécialement dressée pour l’occasion, deux amis vieillissants qui  ne sont plus vus depuis plus de 40 ans. Tout comme Stefan Zweig,  Sándor Márai ne s’illustre pas dans l’optimisme des relations humaines : les hommes et les femmes se rencontrent bien à un moment ou un autre de leur existence mais c’est pour mieux s’en éloigner davantage jour après jour, aboutissant au final à un éloignement définitif sans retour en arrière possible. L’envie, le ressentiment, la trahison, la déception, l’orgueil et la vanité : tels sont les sentiments qui finissent par entraver la route de toute relation affective. Car l’amour et la haine n’ont décidément jamais été aussi proches… 

Notez que ce roman laisse une certaine liberté au lecteur dans la mesure où certaines questions demeurent sans réponses claires et précises. Difficile d’en parler ouvertement ici sans trop dévoiler du roman, même si j’aurai volontiers aimé connaître votre opinion à ce sujet, à savoir quels sont vos interprétations quant à ce qui s’est réellement passé ? Comment interpréter les silences de l’un aux accusations de l’autre ? 

Ceci dit, quelques redites, de nombreux monologues et un style un peu académique peuvent en rebuter plus d’un, qui pourrait trouver ce livre ennuyeux, ce qui ne fut pas du tout mon cas, je le précise. 

J’ai d’ailleurs suffisamment apprécié son style pour avoir ajouté deux romans supplémentaires de Sándor Márai dans ma PAL depuis cette lecture : « L'Héritage d’Esther » et « Le premier amour ».  Je l’ai peut-être découvert tardivement, mais il  n’est jamais trop tard pour combler ce regrettable retard !

« Sur les clenches des portes, on sentait le tressaillement d’une main qui, dans un moment de révolte, s’était refusée jadis à achever son geste. Tous les foyers dans lesquels la passion étreint des hommes, de tout sa force, dégagent une pareille ambiance inquiétante.»

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