lundi 23 février 2009

Intrigue à l'anglaise d'Adrien Goetz

Quatrième de couverture 

Trois mètres de toile manquent à la tapisserie de Bayeux, qui décrivent les derniers rebondissements de l'invasion de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant. Que représentaient-ils ? Les historiens se perdent en conjectures. Une jeune conservatrice du patrimoine, Pénélope Breuil, ronge son frein au musée de la Tapisserie, à Bayeux. La directrice du musée, dont elle est l'adjointe, est victime d'un attentat. Des fragments de tapisserie réapparaissent à Drouot. Pénélope est convoquée par le patron du Louvre qui lui confie une mission discrète. Cette semaine-là, Diana, princesse de Galles, et Dodi al-Fayed, disparaissent sous le tunnel du pont de l'Alma. Devant Pénélope éberluée se déroule l'histoire secrète de la tapisserie. Un mystère qui débute en 1066 et se prolonge jusqu'à ces jours tragiques de 1997. Drôle de trame... 

Voilà un roman qui se dévore sans peine : énigme policière trépidante aux multiples rebondissements, nombreuses références culturelles et historiques, humour, clins d’œil divers, écriture fluide, en un mot, une lecture divertissante. Si j’ai lu avec beaucoup de plaisir ce roman, je me suis également surprise à éprouver un goût de trop peu à la fin de ma lecture. Avec du recul, j'ai trouvé qu'il avait un côté un peu clinquant dans son côté artificiel et caricatural. Je regrette également le peu de profondeur dans la psychologie des personnages, conférant un certain manque d’épaisseur à l’ensemble qui conduit à un roman superficiel et léger. 

« Intrigue à l'anglaise » n’en demeure pas moins un roman plaisant truffé d’anecdotes surprenantes qui se lit très vite mais qui sera également, je le crains, très vite oublié. 

Adrien Goetz, historien d'art et romancier, a reçu le prix des Deux Magots et le prix Roger Nimier pour son roman « La Dormeuse de Naples ». Intrigue à l'anglaise est son deuxième roman chez Grasset. 


lundi 16 février 2009

Daphné disparue de José Carlos Somoza



Quatrième de couverture
 
« Je suis tombée amoureux d’une inconnue ». C’est par cette phrase que tout commence pour Juan Cabo, écrivain à succès devenu amnésique après un accident de la route. C’est aussi la première phrase d’un court paragraphe qu’il a écrit quelques heures avant l’accident. Mais qui est cette femme ? Créature ou création ? L’enquête qui s’ensuit pour retrouver la belle inconnue constitue une véritable odyssée. Tous les paradigmes liés à la création littéraire sont incarnés par des personnages ou des situations tout aussi paradoxaux qu’absurdes. »
 
« Daphnée Disparue », dernière parution de l’auteur José-Carlos Somoza chez Actes Sud , qui réédite l’un de ses tout premiers romans jusqu’alors non traduit en français.
 
Quête d’identité dans un dédale de faux-semblants et de mises en abyme, mélange des genres et exercices de style, avec "Les Métamorphoses d’Ovide" en toile de fond (long poème qui regroupe des récits et légendes mythologiques sur le thème de la transformation), l’auteur nous propose un jeu de piste pour remonter aux sources de la création littéraire. Où commencent la fiction et l’imaginaire et où se termine la réalité ?
 
Malgré quelques bonnes idées et personnages intéressants (le restaurant La Floresta Invisible exclusivement fréquentés par des scribouillards,  un éditeur excentrique qui commande à plusieurs auteurs le récit d'une même nuit madrilène, un détective privé assisté par un nain et dont le champ d’activité est la littérature, sans oublier Muse,une femme troublante qui loue son corps aux écrivains en mal d’inspiration), je n’ai pas été totalement convaincue par ce roman. J’avais comme l’impression d’assister à l’éclosion d’un auteur qui n’était pas encore arrivé à la maîtrise de son art : si nous assistons à la naissance  des thèmes qu’il reprendra dans ses autres œuvres, je pense notamment à l’ébauche de Muse, thème qu’il reprendra avec brio dans La dame n°13, je n’ai pas manqué de m’essouffler et de m’ennuyer en cours de route. Problème de rythme, jeux de miroirs multiples devenant lassants, peu motivée par les thèmes abordés ? Je pense que j’aurais mieux apprécié ce roman s’il avait été mon premier lu de l’auteur, ce qui ne fut pas le cas : ayant lu bien meilleur auparavant, je suis donc restée sur ma faim et j’ai trouvé le temps long, malgré la brièveté du récit. Il n’en demeure pas moins un bon roman mais sans plus en ce qui me concerne.   


samedi 14 février 2009

Le Dresseur d'insectes de Arni Thorarinsson

J’aime beaucoup les polars venus du froid : ils ont une tonalité particulière et je savoure à chaque fois ma lecture du moment. Il s’agit cette fois-ci de l’auteur islandais Arni Thorarinsson et de son deuxième roman traduit en français aux éditions Métailié qui s’intitule Le Dresseur d'insectes.
 
Il se trouve que je suis tombée dessus par hasard à la bibliothèque au rayon nouveauté et je n’ai évidemment pas résisté à l’appel.  Ceci dit, j’ai parfois eu bien du mal à me faire aux noms des protagonistes, souvent bien difficiles à se remémorer.  Je vous conseille donc, dans la mesure du possible, de commencer par le premier opus, Le temps de la sorcière, de façon à se familiariser avec les personnages et de ne pas se sentir trop démuni lorsqu’ils apparaissent dans ce second opus. Ne vous découragez pas si ce premier roman ne vous enthousiasme pas plus que cela, il semblerait effectivement que son deuxième opus soit bien meilleur mais je ne saurais le certifier, je vous en reparlerais donc le moment venu lorsque je l’aurai lu à mon tour.
 
Et puisque je suis occupée à vous parler des  noms biens compliqués des nombreux personnages qui émaillent ce récit, je ne résiste pas à vous faire un petit commentaire en marge de ce roman.  Car s’il est parfois laborieux de s’y retrouver, il est tout aussi difficile de savoir si nous avons affaire à un personnage masculin ou féminin, ce qui avouons-le, jette un trouble supplémentaire à cet épineux problème de « noms » islandais (je mets noms entre guillemets car, comme vous allez le lire plus bas, il ne s’agit pas vraiment de noms mais de prénoms).  Oui je sais, cela semble bien compliqué c’t’affaire.
Pour nous éclairer un peu, Eric Boury, le traducteur français du roman, a eu la très bonne idée de nous aider dans ce débroussaillage : sachez que les noms de famille sont très rares en Islande. Du coup, ce que vous prenez pour le nom qui suit le prénom n’est autre que le prénom du père ou, à quelques rares cas, celui de la mère, suivi de –son(fils) pour les hommes et de –dottir(fille) pour les femmes. De même, si vous cherchez quelqu’un dans l’annulaire téléphonique ou dans quelque fichier que ce soit, cette recherche s’effectuera par le prénom de la personne. Etonnant, n’est-il pas ?
 
Sur ce, fermons cette parenthèse – qui je l’espère était des plus intéressantes - pour mieux revenir au roman…
 
Au lendemain de la grande fête des commerçants de Akureyri, la grande ville du Nord de l'Islande, on dénombre de nombreuses gueules de bois, quelques dépucelages, plusieurs agressions, plusieurs viols aussi. Mais une femme qui se présente sous le nom de Victoria demande à Einar, le correspondant local du Journal du soir, de se rendre immédiatement, avec la police, dans une "maison hantée" de la vieille ville: ils y découvrent le corps d'une jeune fille étranglée. Personne n'a signalé de disparition. Peu après, Einar apprend que son informatrice, entrée dans une clinique de désintoxication, a été assassinée. Fort de son expérience d'ancien alcoolique, il se fait interner pour mener son enquête. Résistant à la pression de son rédacteur en chef avide de sensationnel, il saura découvrir l'identité réelle des deux victimes, engluées dans des relations perverses, et impuissantes devant les puissances de la modernité qui transforment à marche forcée une société dans laquelle la famille a gardé toute son importance.
 
Première originalité de ce roman, le protagoniste principal de cette série, Einar, n’est pas un policier mais un journaliste qui a été muté dans les territoires du Nord du pays. Ce qui est moins original, c’est que ce monsieur souffre de problèmes d’alcool (je vais finir par croire que tous les islandais sont des alcooliques en puissance), bien qu’il semblerait que ce ne soit bientôt plus qu’une ancienne habitude. En attendant, ce sont ces anciens démons qui l’aideront à s’immiscer dans le clinique de désintoxication afin de mener son enquête, à savoir découvrir les circonstances qui ont mené au meurtre de son informatrice.
Il faut dire que les responsables du journal local du soir sont avides de sensationnalisme afin d’augmenter au maximum les ventes et que Einar est prêt à tous les sacrifices pour nourrir la bête, son sens de la justice et sa curiosité faisant le reste. Il est bien question de surenchères journalistiques, de conflits éditoriaux et autres mais j’avoue que je n’ai pas trop suivi cet aspect là du roman.
 
Car ce qui m’intéresse avant tout dans ces polars venus du froid, c’est qu’ils vont bien au-delà de l’intrigue policière pour mieux ausculter la société islandaise et ses travers, bien éloignés des clichés touristiques : libéralisme des jeunes, alcool, drogue, influence de la culture américaine, viol et prostitution pour un éventuel moment de gloire, l’Islande n’est décidemment plus une île isolée de tout mais bien un espace où la mondialisation gagne du terrain (ceci dit, les récents problèmes politiques et économiques islandais ont depuis lors bien tordu le cou à ces mêmes clichés). Ce roman ne faisant pas exception à la règle, je l’ai dévoré en deux jours à peine et j’en redemande ! 


dimanche 8 février 2009

L’homme qui tombe de Don DeLillo

« Ce n'était plus une rue mais un monde, un espace-temps de pluie de cendres et de presque nuit. Il marchait vers le nord dans les gravats et la boue et des gens le dépassaient en courant, avec des serviettes de toilette contre la figure ou des vestes par-dessus la tête. Ils pressaient des mouchoirs sur leur bouche. Ils avaient des chaussures à la main, une femme avec une chaussure dans chaque main, qui le dépassait en courant. Ils couraient et ils tombaient, pour certains, désorientés et maladroits, avec les débris qui tombaient autour d'eux, et il y avait des gens qui se réfugiaient sous des voitures.
Le grondement était encore dans l'air, le fracas de la chute. Voilà ce qu'était le monde à présent. La fumée et la cendre s'engouffraient dans les rues, explosaient au coin des rues, des ondes sismiques de fumée, avec des ramures de papier, des feuillets standards au bord coupant, qui planaient, qui voltigeaient, des choses d'un autre monde dans le linceul du matin. »
 
Ainsi débute ce roman, en cette matinée du 11 septembre 2001.  Il y a, dans la main de Keith, masqué de cendres, criblé d'éclats de verre et revenu d'entre les morts dans l'appartement de son ex-femme, Lianne, une mallette qui ne lui appartient pas et que sa main de rescapé serre, mécaniquement, de toutes ses forces. Tandis que Keith se rapproche et s'éloigne d'une autre femme rencontrée dans l'enfer des tours, avant de décider de finir sa vie assis devant une table de jeu dans le désert de Las Vegas, Lianne dérive entre l'inquiétude que lui causent l'attitude farouche et réticente de son propre fils, l'atelier d'écriture pour malades d'alzheimer dont elle a la charge, l'Homme qui Tombe, ce performeur que la police traque, la santé de sa mère qui vit depuis des années une incompréhensible liaison avec un mystérieux Européen, marchand d'art toujours entre deux avions, entre deux univers...
 
Récits éclatés et fragmentés à l’image des verres brisés des tours jumelles ou du monde en morceaux  apparu après les attentats du 11 septembre, Don DeLillo imbrique l’histoire de ses personnages qui se télescopent dans le temps avec complexité et habilité, demandant au lecteur de la patience et de la concentration sous peine de se perdre avec les protagonistes dans le néant et la confusion du monde. J’ai aimé ce parallélisme entre  la construction complexe de son récit faite de vies brisées et morcelées et la déstructuration conséquente des attentats du 11 septembre, j’ai aimé la distance imposée par son écriture froide et désincarnée. Mais le manque de linéarité du récit et la confusion qui s’en suit risque aussi d’être  dommageable à long terme : je ne suis pas certaine d’en retenir grand-chose dans quelques mois si ce n’est cette sensation de morcellement, d’anéantissement, de perte d’identité et d’absence de repères. Ce qui n’est déjà pas si mal finalement. Avec en prime une envie d’aller voir plus loin en compagnie de l’auteur. 


samedi 7 février 2009

L’évangile selon Satan de Patrick Graham

Quatrième de couverture

2006, Hattiesburg, dans le Maine. Rachel, l'assistante du shérif du comté, enquête sur la disparition de quatre jeunes serveuses. Elle disparaît à son tour. Marie Parks, profileuse au FBI qui possède des dons de médium et s'est spécialisée dans la traque des cross-killers - les tueurs en série qui voyagent -, est chargée d'enquêter sur la disparition de Rachel. Elle retrouve son corps torturé et la dépouille des quatre disparues crucifiées dans une crypte. Le tueur, abattu par le FBI, est un moine qui porte les signes du Diable.
 
Quelques jours plus tard, au Vatican, le cardinal Oscar Camano, patron de la congrégation des Miracles, apprend que les quatre jeunes femmes assassinées sont les religieuses qu'il avait envoyées aux Etats-Unis pour enquêter sur la vague de meurtres qui frappent l'ordre des Recluses, un ordre très ancien, chargé depuis le Moyen Age de protéger et d'étudier les manuscrits interdits de la chrétienté. Il confie au meilleur de ses exorcistes, le père jésuite Carzo, le soin de retrouver la trace de cet évangile que l'Eglise a perdu six siècles plus tôt...
 
 
Dans ma bibliothèque depuis 2007, j’en ai mis du temps avant de me décider à le lire. Faut dire, c’est mon cher et tendre qui l’avait introduit chez nous et ce roman n’a plus arrêté de me narguer du haut de son étagère depuis lors. Et bien voilà, maintenant c’est terminé de tourner autour, je l’ai enfin lu ! C’est qu’il a fallu dépasser mes appréhensions initiales, à savoir : « quoi, encore un thriller religieux à la Da Vinci Code ? », car il s’agit bien d’un thriller ésotérique comme il en existe tant depuis le grand succès de Dan Brown et je demeure très circonspecte quant au genre, avec l’impression qu’on nous sert toujours la même soupe plus ou moins épicée selon l’auteur du jour.
 
Alors, mon verdict pour ce premier roman de Patrick Graham ?
Et bien, il y a du bon et du moins bon.
Commençons par le moins bon. Après un début sur les chapeaux de roues, le récit se prend un peu les pieds dans le tapis, particulièrement dans le dernier tiers : trop d’intrigues parallèles, trop d’allers-retours entre les personnages et les époques, sans oublier quelques longueurs qui parsèment le récit. Il aurait donc gagné à concentrer son intrigue et épurer son histoire.
Rien de bien neuf non plus sous les tropiques du satanisme, des secrets du Vatican et du grand complot universel, bref on retrouve les grosses ficelles du genre.
Passons enfin au meilleur. C’est que Patrick Graham sait y faire, il n’y a pas de doute là-dessus ! Il réussit à nous faire mordre à l’hameçon dès les premières pages : j’ai adoré me plonger dans ce Moyen-Âge emporté par la grande Peste, dans une ambiance sombre et oppressante, du temps de la sainte inquisition et de l’ordre des Recluses. J’ai apprécié aussi le versant fantastique de l’œuvre : médium, exorcisme, envoûtement, possession, transe,  rien de bien neuf non plus mais plaisant tout de même.
 
En conclusion, un bon thriller ésotérique et fantastique divertissant sans grandes surprises qui ne renouvelle pas le genre mais un premier roman prometteur. Le deuxième roman de Patrick Graham est paru depuis lors, « L'Apocalypse Selon Marie », qui reprend le personnage clé du premier roman, à savoir Marie Parks, profileuse au FBI et médium dans la vie. 


lundi 2 février 2009

J’ai tout entendu de Dan Gearino

« Je n'ai pas prononcé un seul mot depuis le matin où je suis descendu du car à Barrington, il y a cinquante-deux ans. J'avais dix ans, et ma mère venait de se volatiliser au beau milieu de la nuit. Depuis, elle n'a plus jamais donné signe de vie [...]. Tout le monde ici vous dirait que je suis sourd-muet. Rien de plus faux. En réalité, j'ai entendu tout ce qui en valait la peine dans cette ville. »
 
Celui qui prononce ces paroles n’est autre que Sammy, un homme qui se souvient, alors qu’il n’avait que 10 ans à l’époque, dans les années 40 plus exactement, avoir descendu du car à Barrington, une petite ville du Sud située au nord-est d'Atlanta.  Il y descend seul et inconnu de tous, sa mère ayant mystérieusement disparu durant le trajet lors d'une pause du conducteur. Il ne reverra d’ailleurs jamais sa mère, et il faudra attendre la fin du récit pour découvrir les circonstances tragiques de sa disparition.
 
De ce jour, Sammy ne parle plus et s'enfonce dans un mutisme tel que toute la ville le croit sourd-muet. Le chef de gare s'attache rapidement à l'enfant et décide de le prendre sous son aile. Les années défilent et Sammy survit en offrant des menus services aux habitants de la ville. Sourd-muet, il ne l'est certes pas mais il se garde bien de se trahir en dévoilant tout ce qu'il entend et écoute autour de lui. Bientôt, la ville n’aura plus aucuns secrets pour lui…

Dan Gearino se livre à une véritable auscultation du Sud en se livrant à une critique de l'Amérique bien pensante pourrie par l'argent, l'ambition et la xénophobie, par l’entremise de personnages bien fouillés où l’humour noir et le cynisme se font la part belle.